L’utilisation de modules intégrés pour la communication, la prise en compte du mode de programmation low-code et l’utilisation des plates-formes TinyML pour l’apprentissage automatique sont les tendances émergentes dans le domaine de la conception de systèmes embarqués, assure Mark Patrick, Head of Technical Marketing, EMEA chez Mouser Electronics.
Le degré d'intégration des systèmes tant au niveau des cartes que des puces s'accélère. Quels sont pour vous les facteurs déterminants de cette évolution ?
MARK PATRICK L'approche actuelle de la conception de systèmes embarqués est très différente de celle utilisée il y a deux décennies. La connectivité est désormais une caractéristique centrale. De plus, que ces systèmes soient installés dans un smartphone, une voiture ou au bureau, les utilisateurs s'attendent dans le même temps à un degré d'interactivité plus élevé. Par exemple, alors que dans le passé, quelques LED clignotantes étaient considérées comme suffisantes pour fournir une interface avec un système embarqué, l'utilisateur d'aujourd'hui s'attend à ce que même les plus petits systèmes fournissent un affichage riche en fonctionnalités.
Or l'ajout de la connectivité et d’une interface visuelle à un système embarqué augmente considérablement les défis de conception, d’autant plus lorsque la consommation et le format doivent être réduits au minimum. Parallèlement, la nature concurrentielle de l’économie a raccourci les cycles de mise sur le marché, si bien que les équipes d'ingénierie sont désormais confrontées à des délais serrés lors de la définition d'un ensemble d'exigences pour un nouveau produit. Les systèmes et modules multifonctionnels déjà intégrés dans un seul package offrent ici aux ingénieurs une approche pratique pour surmonter une partie de ces difficultés.
Par exemple, la conception d'un système sans fil composé d'un émetteur-récepteur sophistiqué et d'une antenne conformes aux réglementations locales en matière de spectre radio coûte cher et nécessite des compétences spécialisées en ingénierie RF, sans compter la maîtrise des étapes de vérification, de test et de qualification qui retardent encore l'introduction d'un produit sur le marché. Les alternatives moins coûteuses et plus rapides à mettre à œuvre comme l'utilisation d'un module sans fil précertifié ou d'une puce-système SoC personnalisée - bien que cette approche nécessite encore un certain degré de test, de certification et d'approbation - sont une réponse.
Autre exemple, les convertisseurs DC/DC d'aujourd'hui démontrent clairement les énormes progrès qui ont eu lieu dans l'intégration au niveau de la carte. Ces minuscules modules ont été optimisés pour permettre aux concepteurs de cartes de répondre à des contraintes spatiales et thermiques extrêmement exigeantes. Si l’on considère que la conception d'un module de puissance avec des spécifications similaires nécessiterait des années d'efforts d'ingénierie et d'expertise, il devient dès lors logique d'utiliser un module qui a déjà fait ses preuves sur le terrain et qui peut être facilement sourcé.
Pour les fournisseurs de composants, avoir la capacité de fournir des modules hautement intégrés et des solutions SoC est donc devenu un différenciateur clé. Exemple parmi d’autres, le module radar mmWave de TI (avec son antenne intégrée) contribue à rendre une conception transparente, avec la possibilité de réduire la complexité associée au développement d'un prototype.
Quelles sont pour vous les tendances émergentes dans le domaine de la connectivité ?
MARK PATRICK La connectivité est devenue omniprésente, comme indiqué précédemment. Elle permet la collecte, le transport et l'analyse de vastes volumes d'informations en temps réel provenant de nombreuses sources disparates - des montres intelligentes aux capteurs IoT industriels, en passant par des capteurs océaniques flottants. Une connectivité fiable est ainsi devenue une caractéristique incontournable de tout système électronique embarqué.
Du point de vue de l'ingénieur, ceci signifie qu’il doit comprendre les exigences techniques, y compris la connaissance des débits de données, de la portée et de la compatibilité, etc. pour l'inclure au sein de sa conception. Et ce n'est qu'après que le protocole et la topologie sans fil les plus appropriés peuvent être choisis. Au-delà, n’oublions pas que bien qu’elle ouvre des perspectives nouvelles au niveau des performances, la connectivité sans fil impose de s’intéresser beaucoup plus en profondeur qu’auparavant à la notion de sécurité.
Comme le nombre et la variété des cas d'usage des objets connectés augmentent de manière exponentielle, de nouveaux protocoles sans fil adaptés à ces applications émergentes sont apparus ou se sont réinventés. Le Wi-Fi est par exemple une technologie bien connue utilisée pour le transfert de données à haut débit, mais avec la contrepartie d’une consommation d’énergie élevée. Pour résoudre ce problème, de nouveaux protocoles tels que Wi-SUN et Wi-Fi HaLow ont été développés et commencent à être déployés dans les applications de compteurs dans les villes intelligentes.
Quel sera l'impact selon vous du “monde virtuel” sur l'avenir du développement des systèmes embarqués ?
MARK PATRICK Le développement collaboratif à distance sur les applications d'entreprise avait déjà lieu bien avant la récente pandémie qui a depuis fait du travail virtuel une nécessité. Mais l'emplacement géographique n'a jamais été un obstacle au développement de systèmes embarqués, qui sont parfaitement adaptés à la collaboration virtuelle à l'aide d'outils en ligne tels que GitHub et PlatformIO. Ceux-ci fournissent toutes les ressources nécessaires aux développeurs embarqués pour effectuer le codage, le débogage et le partage des mises à jour.
Les fournisseurs d'IDE traditionnels répondent également à la croissance du travail virtuel en ajoutant des fonctionnalités collaboratives en ligne à leurs outils. De nombreux fournisseurs de semi-conducteurs et de plates-formes rendent également leurs chaînes d'outils IDE "compatibles avec le cloud", l'IDE MPLAB X de Microchip et l'Arduino Editor étant de bons exemples de cette évolution.
Le développement embarqué virtuel a aussi récemment fait un autre bond en avant avec le lancement du service Planet Debug de MikroE. Cette solution permet le débogage à distance d'une plate-forme de développement de matériel embarqué. Elle préfigure selon nous une évolution des pratiques de développement à l’avenir.
Voyez-vous d’autres tendances à l’œuvre dans le domaine de la conception des applications embarquées ?
MARK PATRICK Oui, au regard des conversations régulières que nous avons avec nos fournisseurs. Nous observons par exemple la popularité croissante des pseudo-langages dits low-code comme Node-RED qui complètent les langages de développement embarqués plus classiques comme le C. Parallèlement, les plates-formes TinyML deviennent elles aussi de plus en plus populaires car elles rendent possible l’accès aux applications d’apprentissage automatique à l'aide de microcontrôleurs à faible consommation d'énergie. Cette approche repousse encore les limites du rôle du développeur embarqué avec l’apparition d’outils de développement en ligne comme celui d'Edge Impulse qui contribue à simplifier leurs tâches de développement.
D’ailleurs à ce sujet Mouser a publié une courte série d'articles sur TinyML dans le cadre de notre engagement à fournir aux développeurs embarqués les informations dont ils ont besoin pour se tenir au courant des tendances et technologies actuelles.
Propos mis en forme par François Gauthier