Selon une étude récente menée par le cabinet français Décision et commanditée par la Direction générale des réseaux de communication, du contenu et des technologies (DG Connect) de la Commission européenne (*), le domaine de l’edge computing dans l'Internet des objets professionnel générera une croissance mondiale de près de 88 milliards d'euros d'ici à 2027. Soit 40 milliards d'euros dans les semi-conducteurs assurant des fonctions de traitement au niveau "micro-edge" et 48 milliards d'euros dans la construction et le déploiement de centres de données locaux.
Dans le même temps, selon Décision, la base installée d'objets IoT professionnels dans le monde passera de 69 milliards à 92 milliards d'unités de 2021 à 2027, alors que le volume de données traitées par ces infrastructures IoT va passer de 15 zettaoctets à 38 zettaoctets. De plus, d’ici à 2027, 52% des données seront traitées dans le cadre d’équipements "micro-edge", 29% dans le domaine du "far-edge" et 19% dans le cloud. Dans le cadre de cette définition de l’edge computing (entre micro-edge et far-edge), c’est donc 81% des données qui seront traitées en périphérie, au détriment du cloud.
Selon Décision, l’émergence de l’intelligence décentralisée et de l’automatisation dans les futures infrastructures suscitera à ce niveau un besoin en plates-formes ouvertes qui devraient créer de nombreuses opportunités pour les fournisseurs de plates-formes de traitement. Car l'internet des objets a connu une croissance exponentielle ces dernières années, entraînant le déploiement de milliards d'appareils, sources d’une grande quantité de données hétérogènes, générées en périphérie de réseau, qui nécessitent beaucoup de puissance de traitement et de stockage en local. Les analyses à haute valeur ajoutée, les processeurs hautes performances et l'intelligence artificielle, fournies via l'apprentissage automatique (ML, Machine Learning), permettent notamment de traiter des données massives à proximité de leur source.
Dans l’ensemble, cette intelligence puissante et locale constitue une solution prometteuse aux défis posés par la croissance exponentielle des appareils IoT et par le besoin croissant d’analyse de données et de prise de décision en temps réel dans des secteurs économiques clés, essentiels à la compétitivité de l’Europe. Avec à la clé des avantages bénéfiques dans divers domaines d'application, notamment les véhicules connectés et automatisés, la santé intelligente, les systèmes de transport intelligents et l'automatisation industrielle (y compris la robotique industrielle), la gestion de l'énergie applicable à l'IoT (automatisation des bâtiments et des villes, réseaux intelligents, bornes de recharge intelligentes), la sécurité, les appareils de santé et de soins connectés et les traceurs d'actifs pour la logistique et l'agriculture.
La création de plateformes IoT cloud-to-edge est donc selon Décision, un moteur clé de cette croissance, avec des modèles cloud et edge qui coexisteront dans des modèles hybrides. Il s’agit ici à la fois d’une opportunité de croissance pour les fabricants IoT européens, mais aussi d’une menace dans la mesure où maîtriser non seulement la fabrication de l’IoT, mais aussi les nouvelles briques de cette chaîne de valeur émergenten, est un défi qui conduit à l’apparition de nombreux nouveaux arrivants, en particulier américains et taïwanais.
L’IoT professionnel dépasse le marché de l’IoT grand public
Cette analyse s’insère, souligne Décision, dans un contexte général où depuis 2021 le marché de l’IoT professionnel dépasse celui de l’IoT grand public (smartphones, PC grand public, etc.). Par ailleurs, les marchés de l’IoT professionnel tirent la croissance mondiale des TIC, avec +7% par an prévus de 2021 à 2027. Les fabricants européens d’IoT professionnels détiennent 28% de part de marché mondial en 2021, en première position devant les autres pays d’Asie (22%), la Chine (21%) et les États-Unis (20%).
Cependant, ces parts de marché diminuent au fil des années en raison du déplacement du marché vers l’Asie et de la montée en puissance des constructeurs asiatiques. La tendance à l’externalisation a déjà conduit à ce que seulement 20% des objets IoT professionnels soient produits sur le sol de l’UE en 2021. Selon les estimations de Décision, la demande en semi-conducteurs de calcul associée aux industries européennes utilisatrices dans les IoT professionnels (automobile, automatisation industrielle, etc.) représentera d'ici 2027 l'équivalent des ventes mondiales de Nvidia en 2021… Autrement dit, selon Décision, il y a de la place sur le marché européen pour soutenir l'émergence d'un Nvidia européen parmi les 12 à 15 start-up impliquées dans ce segment, en plus de NXP et Bosch.
Cependant, jusqu’à présent, ce marché européen profite en grande partie, estime Décision, aux acteurs américains qui établissent des partenariats avec des fabricants professionnels européens de l’IoT (à l'instar des partenariats entre Qualcomm et Volkswagen, BMW, Stellantis…).
Enfin Décision souligne dans son étude que les impacts environnementaux globaux associés au déploiement mondial de l'IoT professionnel (appareils, infrastructures réseau et stockage) représentent 33% de l'impact de l'ensemble du secteur des technologies de l'information et de la communication (TIC) en 2021. Avec l'essor du nombre d'IoT professionnels, l’impact environnemental de la base installée mondiale de l’IoT industriel va doubler en 6 ans.
Ainsi, selon Décision, d’ici à 2027, la transition vers l’edge computing ne réduira pas significativement les impacts environnementaux de l’IoT professionnel en raison d’un effet rebond. En effet, les aspects positifs des architectures edge (traitement des données directement au niveau du "micro-edge" évitant d’utiliser de l'énergie pour les réseaux de transport vers le cloud) sont dans une large mesure compensés par l'aspect négatif des architectures de calcul haute performance en périphérie de réseau avec une empreinte carbone croissante.
(*) Disponilble en novembre 2023, l'étude Study on the Economic Potential of Far Edge Computing in the Future Smart Internet of Things a été menée par le cabinet Décision Etudes & Conseil pour la DG Connect dans le but d'évaluer le potentiel économique et les impacts environnementaux d'un changement de paradigme dans le domaine de l'Internet des objets (IoT) vers les traitements en périphérie.