« Utiliser les tests pour combler les écarts avec les normes de la 5G »

L'Embarque Tribune

[TRIBUNE by Kalyan Sundhar, KEYSIGHT] Le processus de normalisation de la 5G doit se dérouler de manière réfléchie et délibérée sans freiner pour autant son développement rapide. Pour ce faire, les ingénieurs peuvent d’ores et déjà créer des environnements de test “réels” en laboratoire et sur le terrain pour analyser des déploiements de la 5G. Une approche qui permettra à la dynamique qui s'est développée au cours des derniers mois de se poursuivre tout en laissant le processus de normalisation se dérouler sereinement, explique Kalyan Sundhar, vice-président produits Mobilité, Virtualisation et Applications chez Keysight....

Au cours des derniers mois, on a assisté à une explosion des initiatives et des travaux pour la mise en œuvre de la 5G. Le résultat de toute cette effervescence fait que les prévisions quant à la date de lancement des produits 5G sur le marché sont devenues très optimistes. Il y a tout juste un an, on supposait que la 5G serait en place en 2020 au plus tôt. Aujourd'hui, les experts visent 2019 avec des premiers déploiements prévus dès cette année ! Et finalement pourquoi pas ? L’organisme de normalisation 3GPP (3rd Generation Partnership Project) a publié ses premières spécifications pour la 5G en décembre ; le CES de janvier a mis en avant une série impressionnante d'annonces de produits 5G ; mieux encore, des démonstrations très médiatisées de la technologie 5G ont eu lieu lors du dernier Super Bowl aux Etats-Unis ainsi qu’aux Jeux olympiques d'hiver de Pyeongchang. Avec des application "réelles” qui ont permis de démontrer l’extrême rapidité de connexion entre les appareils et les stations de base d’un réseau cellulaire 5G.

Toutefois, malgré la réussite de ces expérimentations par les équipementiers réseau et les fabricants d'appareils mobiles, il ne faut pas perdre de vue que le processus de normalisation 5G est loin d’être achevé. L'annonce du 3GPP en décembre 2017 incluait des spécifications pour la connexion station de base-mobile (les interfaces) tandis que les spécifications pour les services réseau (la technologie qui permettra l’utilisation de la 5G pour l'IoT, la conduite automatique, la réalité augmentée et toute autre type d’applications géniales qui ne sont pas encore inventées…) restent à finaliser.

Tout cet élan engendre de ce fait une pression croissante pour accélérer le processus de normalisation, ce qui serait une énorme erreur ! Les exemples passés de processus précipités pour les systèmes 3G et 4G le démontrent. En ralentissant et en prenant plus de temps, il serait pourtant possible d’obtenir une norme plus robuste, et, au bout du compte, une expérience réellement novatrice pour les utilisateurs. A ce niveau, la création d'un environnement réaliste pour les essais pourrait contribuer à cette stabilité, tandis que l'industrie élabore au fur et à mesure un ensemble de normes vraiment robustes, sans créer la complexité vécue avec la 3G et la 4G.

Des enseignements à tirer de la 3G

Dans un passé récent, l’accélération des processus de normalisation des technologies 3G et 4G a en effet créé toutes sortes de difficultés dont il faut aujourd’hui tirer les leçons. La 3G, par exemple, s'est concentrée sur la voix, sans tenir compte du fait que l’explosion des données était inévitable. Les normes 3G d'origine, R99 et R4, étaient bâties sur le transport ATM, et ce n'est qu'après la version R5 que le passage au tout-IP a été effectué. Cette transition a nécessité une interaction plus étroite avec les couches supérieures de la pile de protocoles, créant ainsi des problèmes de synchronisation. Dans le même temps, des protocoles propriétaires, tels que le NBAP (Node B Application Part) et la CRR (Radio Resource Control), qui se trouvent entre l'équipement connecté et la station de base, ont créé des problèmes d'interopérabilité entre les différents éléments du réseau, compliquant davantage le routage et créant beaucoup d’inefficacités.

De la même manière, précipiter l'adoption des normes 5G créerait inéluctablement les mêmes difficultés. Néanmoins, les normes 3GPP stabilisées en décembre dernier ont convenu de la réutilisation de l'infrastructure 4G existante et se sont plutôt concentrées sur les domaines dans lesquels des changements sont nécessaires pour traiter des applications à bande passante plus large et à faible latence. Ce qui permet normalement d'adopter une approche progressive du déploiement de la 5G et de prendre plus de temps pour élaborer le corpus complet des normes.

Vers la création d’environnements de test “réalistes”

Les équipementiers réseau et les fabricants de mobiles n'ont bien évidemment pas attendu ces péripéties pour poursuivre leurs processus de développement. Pour ce faire, les développeurs peuvent dès maintenant utiliser un ensemble sophistiqué de tests pour simuler la 5G dans des conditions aujourd’hui impossibles à mettre en œuvre de manière complète, compte tenu de l'infrastructure réseau existante. Mais pour être précis et fiables, ces systèmes de test nécessitent le développement d’un environnement “raisonnablement” réaliste par rapport à ce que l’on peut imaginer.

Les conditions atmosphériques posent dans ce cadre un problème majeur. Les fréquences à très courte portée que la 5G promet d'exploiter n'ont qu'une portée de quelques mètres, ce qui rend les essais en conditions réelles assez difficiles. Parallèlement, avec la 5G, des objets de quelques centimètres de diamètre présents sur le trajet des ondes radio peuvent causer des interférences majeures sur le signal.

Les développeurs impliqués dans la 5G sont donc dans l’obligation de créer des chambres d'essais avec des conditions de laboratoire, y compris au niveau des antennes simulatrices positionnées de façon à créer des faisceaux étroits. A partir de là il est possible de créer des conditions proches de la réalité en déformant les signaux et en introduisant des effets dans les modèles de canaux de propagation du signal.

Au-delà de cette approche expérimentale, les développeurs peuvent aussi tirer parti de l'infrastructure existante pour réaliser des essais grandeur nature. Car l'un des mythes de la 5G est qu'elle nécessite des bandes millimétriques (mmWave) alors que la plupart des déploiements précoces en Asie se font sur des bandes de fréquence inférieures à 6 GHz. Les opérateurs peuvent donc d’ores et déjà effectuer certains types de tests liés à la 5G directement sur ces réseaux existants sans avoir là aussi à attendre la fin du processus de normalisation.