Avec Cliiink, la jeune société aixoise Terradona a inventé un objet connecté qui se positionne à l’embouchure des conteneurs aériens ou enterrés et qui se présente à la fois comme un système de caractérisation des déchets et comme un indicateur de niveau de remplissage. Une consigne 2.0 qui se veut aussi généreuse puisqu’elle valorise le geste de tri par des remises ou de bonifications à faire valoir auprès de partenaires commerciaux ou institutionnels des collectivités locales. ...
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Jusqu’à aujourd’hui, l’incitation au tri sélectif des déchets ménagers est passée par des politiques coercitives, synonymes d’un surplus de taxes pour les administrés. Nous, nous voulons remettre le citoyen au cœur de cet enjeu et apporter une réponse pragmatique en récompensant le geste de tri par une rétribution. C’est un principe de bon sens, car l’augmentation du volume de déchets triés génère des économies pour les collectivités locales. Ne restait plus qu’à transformer cette idée en un produit technologique ! » Voilà comment en quelques phrases Jean-Marc Toubiana résume les réflexions qui l’ont poussé en 2013 à fonder
Terradona avec le concours de Mathieu Oliveri, un ingénieur de l’Ecole des Mines et spécialiste des systèmes embarqués. Cette collaboration a donné naissance à
Cliiink (photo ci-dessous), un objet connecté à positionner sur l’embouchure des conteneurs aériens ou enterrés, qui se veut à la fois système de
caractérisation des déchets et indicateur de
niveau de remplissage. Une consigne 2.0 également "généreuse" puisqu’elle valorise le geste de tri par des remises ou de bonifications à faire valoir auprès de partenaires commerciaux ou institutionnels des collectivités locales. Et ce via le crédit de points enregistrés sur une carte sans contact spécifique ou une application mobile ad hoc sur smartphone.
Cliiink, la consigne 2.0 de Terradona
« Le défi technologique majeur qu’il nous a fallu relever lors de la mise au point de Cliiink était lié à la caractérisation à la volée du produit ou de l’emballage jeté dans le conteneur par le consommateur, rappelle Jean-Marc Toubiana. Ce principe existe bien entendu dans les grands centres de tri. Mais là, il fallait développer une technologie à bas coût, résistante aux chocs, à la chaleur, au nettoyage haute pression et aux salissures, ce qui mettait d’emblée hors-jeu les capteurs optiques. Cette technologie devait en plus être peu consommatrice afin que Cliiink soit doté d’une grande autonomie énergétique ! » Pour ce faire, Terradona s’est engagé dès sa création dans un partenariat étroit avec le CEA-Leti, partenariat qui s’est concrétisé par la mise au point de trois brevets exclusifs, détenus à parité par la start-up d’Aix-en-Provence et le laboratoire grenoblois. « Ces brevets sont en cours de dépôt et nous ne tenons pas, pour le moment, à parler des techniques mises en œuvre pour détecter et caractériser le matériau jeté, verre et papier aujourd’hui (soit 70% des déchets ménagers), ou plastique et métal demain, ajoute le dirigeant de Terradona. Mais, en termes de coûts, les contraintes sont respectées. Nous pourrons déployer sans problème notre produit dans des pays en voie de développement… »
Jean-Charles Toubiana, cofondateur et dirigeant de Tarradona
Tout comme les box résidentielles, Cliiink dispose d’un jeu étoffé d’interfaces de communication sans fil. Le boîtier est ainsi équipé de la technologie NFC pour la collecte des points de bonification sur une carte sans contact ou l’appairage avec un smartphone, d’une liaison Bluetooth Low Energy pour la communication avec un terminal mobile et d’un modem GSM pour l’envoi de données liées aux usages des conteneurs. La mesure du niveau de remplissage et de la qualité du « minerai » jeté, par exemple, peut être transférée aux opérateurs de collecte des déchets afin qu’ils puissent gérer au mieux la cartographie des conteneurs et optimiser leurs tournées. « Avec ces données, les déchets deviennent des ressources à valoriser, insiste Jean-Marc Toubiana. Plus qu’un produit, c’est donc une offre de service que nous proposons aux collectivités locales qui ont en charge la gestion de la collecte des déchets ménagers. »
Et, pour les séduire, Terradona avance des chiffres. En prenant en compte le coût de traitement des déchets, celui de leur transport vers des unités d’incinération et le coût de levée des conteneurs et en partant sur une base de 10 000 tonnes de tri supplémentaires (verre et journaux) générées par la mise en place de Cliiink, la start-up estime pouvoir faire gagner près de deux millions d’euros par an à une collectivité gérant une ville de taille moyenne ! De plus, face à l'urgence écologique qui nécessite une mobilisation en faveur d'une solution durable pour le recyclage des déchets, la jeune société française précise que 10 000 tonnes de tri supplémentaires réduisent de 2 000 tonnes les émissions de CO2…
Mathieu Oliveri, cofondateur et directeur technique de Terradona
Pour autant, Terradona n’en est pas encore là. A l’occasion du Forum 5i qui s’est tenu fin juin à Grenoble, la jeune entreprise a pu présenter un prototype fonctionnel de son produit dont le développement a bénéficié de l’apport de quatre bureaux d’études dont la société savoyarde de conception en électronique Adison. Dès la fin de ce mois de septembre, une centaine d’exemplaires vont être testés pendant six mois sur Aix-en-Provence et Marseille. « C’est un test de principe et, de notre côté, nous allons valider la fiabilité et l’usage de Cliiink, détaille le cofondateur de Terradona. L’objectif est de lancer la commercialisation à grande échelle en France et à l’étranger à partir de la fin mars 2016. »
La start-up, qui vient de décrocher le Trophée 2015 de la jeune entreprise décerné par Cap’tronic et qui devrait compter un effectif d’une dizaine de personnes d’ici à la fin 2015, a de grandes ambitions. « Nous parions sur un chiffre d’affaires compris entre deux et trois millions d’euros dès 2017 et un doublement de nos revenus en 2018, année où l’effectif de la société devrait atteindre une cinquantaine de salariés », anticipe Jean-Marc Toubiana. Pour soutenir cette croissance et mener à bien l’industrialisation de Cliiink, dont la fabrication est prévue en France, une levée de fonds est en cours auprès d’opérateurs de services aux collectivités.