[TRIBUNE de Roger Nichols, KEYSIGHT] Directeur du programme 6G de Keysight Technologies, Roger Nichols, partage ici ses prévisions pour l'année 2025 en matière de 6G et examine ici dans ce second volet (voire la partie 1 ici) une liste de technologies suivie de près par les experts mais qui ne devraient pas être commercialisées en 2025 car elles se heurtent encore à des obstacles d’ordres technologiques ou économiques (partie 2).
Les travaux sur la 6G restent aujourd'hui encore axés sur la recherche, mais cette dernière va céder la place au développement plus industriels au cours des deux prochaines années. Le secteur s'est aligné sur le calendrier de la première norme applicable à la 6G qui doit être achevée au plus tôt en mars 2029. La liste des technologies qui vont favoriser l’éclosion de cette 6G évoluera sans doute à mesure que la recherche, les premiers développements et les premiers essais prouveront et, dans certains cas, réfuteront la viabilité d'une technologie. Cependant, il est d’ores et déjà possible de regarder les technologies qu’il faut surveiller de près et qui pourraient vont à terme, malgré des défis à surmonter, participer aux fondements de la 6G.
Les ondes millimétriques
La gamme de fréquences 2 (FR2) telle qu’elle est désignée par la 3GPP et qui va de 24 à 71 GHz, est déjà utilisée dans le cadre de la 5G. On parle d’ondes millimétriques (mmWave) car ce spectre est très proche de la bande des ondes millimétriques qui commence à 30 GHz. Cette bande dispose d'une grande quantité de spectre ce qui permet aux régulateurs d'attribuer une grande partie de ce dernier à chaque opérateur avec un accès à une largeur de bande de 400/800 MHz.
Mais le secteur a eu du mal à en assurer la rentabilité, et cette technologie reste coûteuse et il n'y a pas encore d'application phare pour stimuler son utilisation et donc réduire son coût grâce à des économies d'échelle. Les normes et l'implantation doivent également être améliorées pour accroître la fiabilité des liaisons radio. En particulier la gestion intelligente des faisceaux, bien que similaire au MIMO car elle repose sur des informations précises en temps réel sur l'état du canal, pourraient être optimisée grâce notamment à des technologies de Machine Learning.
Toutefois, la demande de capacité et de spectre est importante mais les fréquences libérées dans la gamme 7-17 GHz ne seront pas suffisantes. C'est pourquoi le FR2, dont une grande partie est allouée mais encore sous-utilisée, est un élément important à suivre pour la 6G.
Réseaux terrestres et non terrestres intégrés
Les réseaux sans fil terrestres et non terrestres (NTN) ont bonne presse. Notamment, grâce aux satellites et aux plateformes de haute altitude (HAPS, High Altitude Platform Station, comme les ballons, avions stratosphériques suborbitaux, etc.) Le but de ces technologies est d'améliorer la couverture et la fiabilité des réseaux, en particulier en cas de catastrophe naturelle ou de détresse maritime. Elles présentent toutefois plusieurs défis à surmonter : des distances d'émission et de réception de centaines de kilomètres (et non de centaines de mètres), une gestion du trafic de données délicate entre plusieurs réseaux disparates, une gestion des interférences compte tenu de la dimension ajoutée à la direction de transmission - pratiquement aucune antenne cellulaire n'oriente les signaux vers le haut ou vers le bas et tous les modèles de canaux radio normalisés ne sont que bidimensionnels - et enfin l’obligation de gérer une détection et une communication intégrées (ISAC, Integrated Sensing And Communication).
A ce niveau, la possibilité d'utiliser les signaux de communication pour détecter l'environnement suscite un vif intérêt. La gestion du trafic, des drones, des foules et une myriade d'autres applications sont à l'étude. Le défi est lié à la fréquence radio utilisée, la longueur d'onde disponible, la largeur de bande du signal ou encore à la gestion des données. La fréquence, la longueur d'onde et la largeur de bande des signaux ont ici une relation directe avec la précision physique et temporelle de la détection. La mise en réserve de ressources radio spécifiquement pour la détection signifie qu'elles ne peuvent pas être utilisées pour les communications. De plus, les signaux idoines pour les communications ne le sont pas nécessairement pour la détection. Enfin, si la détection et les communications peuvent être effectuées avec le même signal, il n'est pas garanti que la direction souhaitée pour la détection soit la même que la direction dans laquelle le système doit transmettre le signal radio. Le travail technique consiste donc ici à jongler avec ces multiples défis, en plus d'aborder les complexités de l'interférence dans la détection à partir de plusieurs stations de base et d’appareils mobiles. Les modèles commerciaux ne sont pas clairement définis, si bien que l'utilité finale de cette technologie reste à démontrer.
Surfaces intelligentes réfléchissantes (RIS, Reconfigurable Intelligent Surface)
Les propagations à l'intérieur et de l’extérieur vers l’intérieur sont problématiques dans de nombreux systèmes radio. Par exemple, les parkings, les grands bâtiments commerciaux, les centres commerciaux et les stades couverts sont desservis par des systèmes d'antennes distribuées et des répéteurs radio, parfois même par des stations de base indépendantes supplémentaires. La théorie repose sur l’idée que des approches moins coûteuses, utilisant de grandes surfaces murales qui utilisent une réflexion intelligente pourraient améliorer considérablement la réception à l'intérieur. Elles seraient suffisamment intelligentes pour s'adapter à des conditions changeantes - personnes, changements de mobilier, déplacement de machines intérieures, etc.
Tout l'enjeu à ce niveau consiste à les rendre peu coûteuses, fiables et flexibles, ainsi qu'à en améliorer les performances. Il reste beaucoup de travail, en particulier pour les rendre abordables.
Technologie SubTHz (>100GHz)
L'attrait des très grandes largeurs de bande disponibles aux fréquences supérieures à 100 GHz a été tempéré par l'absence de succès commercial des bandes FR2 plus modestes décrites ci-dessus. Cette situation est exacerbée par le fait que le SubTHz est encore plus cher et plus difficile à gérer que le 24-71GHz. La recherche reste importante dans le secteur et dans les universités, mais le SubTHz n'est plus envisagé comme une technologie d'accès radio pour la 6G. Cela dit, il existe des démonstrations importantes et réussies de liaisons micro-ondes point à point utilisant la technologie de bande D (110-170GHz).
La demande importante de capacité de transmission de données pourrait cependant inciter à investir davantage dans ces fréquences de plus en plus élevées, dans ce domaine et dans d'autres applications de niche. Comme prévu, les technologies à l'étude sont notamment les semi-conducteurs, les antennes, la gestion des faisceaux, le traitement numérique du signal à grande vitesse et même le duplex intégral dans la bande - doublement du débit de données par Tx et Rx en même temps - et comme pour tout, elles sont soumises à des contraintes économiques.