L’Europe vient de donner son feu vert pour la préparation du prochain saut technologique en matière de sécurité numérique. La Commission européenne a sélectionné un consortium, dénommé Nostradamus et piloté par Deutsche Telekom, pour construire une infrastructure d’essais en matière de distribution quantique de clés (QKD). Celle-ci servira à évaluer les dispositifs QKD des fabricants européens.
Parmi les partenaires du consortium figurent Thales, dont le laboratoire Cesti définira des méthodes d’évaluation des dispositifs QKD au sol, l’Austrian Institute of Technology (AIT), spécialisé en cryptographie quantique, ainsi que des experts de l’industrie et du monde académique.
On rappellera que, de manière générale, l’échange de clés est un protocole cryptographique qui vise à établir un secret partagé entre deux participants qui communiquent sur un canal non sécurisé, secret qui sert par exemple à générer une clé cryptographique commune permettant ensuite auxdits participants de chiffrer leurs communications. Quant à l’échange quantique de clés, il fonde sa sécurité non pas sur la difficulté calculatoire supposée de certains problèmes, comme c'est le cas pour les protocoles cryptographiques utilisés aujourd'hui, mais sur l'impossibilité supposée de violer les principes de la physique quantique.
Dans ce cadre, la technologie QKD permet de générer des clés secrètes aléatoires partagées en utilisant les propriétés quantiques des signaux optiques. Les tentatives de mesure de ces signaux en transit sont détectables, et un protocole QKD peut en tenir compte pour s'assurer - de manière quantifiable - que seules des clés sécurisées sont délivrées.
Selon le communiqué publié par Thales, le contrat accordé au consortium Nostradamus ouvre la voie à la mise en œuvre du réseau de communication paneuropéen hypersécurisé EuroQCI fondé sur la technologie quantique. La première phase de mise en œuvre de l’initiative EuroQCI de l’Union européenne est sur les rails depuis début 2022 avec l’objectif de bâtir une infrastructure de réseau de communication quantique sécurisée qui couvrira l’ensemble de l’UE (lire notre article). Celle-ci a pour objectif de renforcer la sécurité des centres de données, des réseaux de communication et des infrastructures critiques comme les hôpitaux et les centrales électriques – par fibre optique et par satellite.
De fait, le futur réseau de satellites chiffré de l’UE Iris2 (Infrastructure for Resilience, Interconnectivity and Security by Satellite) s’appuiera lui aussi sur l’EuroQCI. Il fournira aux gouvernements des services de communications et une infrastructure réseau critique, et assurera aussi aux entreprises et aux organisations un accès rapide à l’Internet par satellite (voir notre article).
La constellation Iris2 viendra donc étoffer le portefeuille d’infrastructures spatiales stratégiques du vieux continent après le système de positionnement par satellites Galileo et le programme d’observation de la Terre Copernicus. L’UE a donné son feu vert pour son déploiement l’année dernière et les premiers services devraient être lancés en 2024 pour une pleine exploitation prévue pour 2027.