[TRIBUNE de Thomas Cardon, BLACKBERRY QNX] Dans un véhicule, les spécificités acoustiques sont de plus en plus soumises à des exigences de sophistication et de performance de haut niveau, alors même qu’elles sont censées obéir aux lois immuables de la physique. Les constructeurs automobiles doivent donc composer entre le fait de répondre à ces nouvelles exigences et l’utilisation de matériel fiable et bon marché. Thomas Cardon, Regional Sales Manager de BlackBerry QNX, donne un éclairage sur un défi qui fait grand bruit chez les professionnels du secteur.
Pour les constructeurs automobiles, s’atteler à résoudre les problématiques propres aux véhicules modernes définis par logiciels s’avère une tâche très complexe. Les défis commencent dès la conception et touchent tous les domaines, qu’ils concernent les instruments dédiés à la "conduite classique" ou des spécificités plus poussées comme celles de l’acoustique. D’ailleurs, ces dernières sont de plus en plus soumises à des exigences de sophistication et de performance de haut niveau alors même qu’elles obéissent aux lois immuables de la physique. Les constructeurs automobiles doivent donc composer entre le fait de répondre à ces nouvelles exigences et l’utilisation de matériel fiable et bon marché.
L’acoustique dans les véhicules : un défi à plusieurs niveaux
En ville, lorsque l’on parle de sons et de bruits extérieurs à un véhicule, on peut penser au caisson de basse du véhicule voisin, à côté du nôtre, alors que nous patientons feu rouge. Mais ce n’est pas la seule variable à prendre en compte. En effet, il existe de nombreuses composantes compliquant la conception des systèmes audio et une myriade d’obstacles et de nouvelles demandes de fonctionnalités viennent compliquer la tâche des constructeurs. Ils doivent finalement trouver des moyens d’y répondre et d’en tirer parti, tout en prenant en compte les exigences et fonctionnalités concurrentes.
En ce qui concerne les facteurs acoustiques qui peuvent avoir un impact à l’intérieur de l’habitacle, il existe au moins cinq types de sons différents qui peuvent se superposer et détourner l’attention du conducteur. Étrangement, la musique, la radio ou autres divertissements choisis par les occupants ne font pas partie de cette liste, alors qu’il s’agit des sources audio que la plupart des gens associent à l’acoustique automobile.
Pour les constructeurs, le premier défi consiste à réduire le bruit du moteur. Bien que ce son puisse être appréciable dans certains véhicules (les muscle-cars ou les modèles de collection par exemple), les marques de luxe veulent que l’expérience soit aussi silencieuse que possible. Pour atteindre cet objectif et supprimer les bruits indésirables, transformer l’habitacle en casque antibruit est un indispensable.
À l’inverse, il s’agit pour les constructeurs d’augmenter le volume du son du moteur pour les véhicules électriques (VE) ou hybrides afin d’alerter les piétons. De leur côté, les moteurs à essence, qui sont de plus en plus performants, privilégient les technologies comme le start-and-stop ou encore les turbocompresseurs qui peuvent réduire le bruit d’un moteur.
Au-delà des moteurs, certains constructeurs automobiles cherchent à réduire au maximum les sons provenant de l’extérieur ou de la route. Enfin, la sensibilisation des piétons est un facteur crucial à intégrer. Il est de notoriété publique que les voitures électriques, voire hybrides, ne font que très peu de bruit. Bien qu’agréable, c’est aussi une source de danger. C’est pourquoi ce type de véhicules émettent souvent un son semblable à celui d’un moteur afin d’alerter les piétons, les cyclistes et les personnes malvoyantes à proximité.
Par ailleurs, au sein d’une voiture moderne, d’autres sources sonores restent complexes à gérer comme celles provenant du système d'info-divertissement. Elle contient la chaîne stéréo - première source sonore "embarquée" - ainsi que plusieurs formes de lecture multimédia. Il peut aussi y avoir des messages du système de navigation ou encore des alertes.
Tous ces éléments ne doivent pas entrer en interférence avec les appels mains libres. Si un bon système mains libres pour la voiture nécessite une totale annulation des échos et une réduction du bruit à distance, il doit également être équipé pour se concentrer sur l’occupant du véhicule qui parle et éliminer autant que possible le bruit environnant, sans interférer avec les autres fonctions de contrôle par la parole.
En plus des fonctionnalités du système mains libres, la gestion des notifications d’alertes (liés aux systèmes ADAS - Advanced Driver Assistance Systems) doit fonctionner en continu et être acheminé vers différents endroits ; cela nécessite donc souvent l’entrée de différents modules qui viennent résoudre les nombreux enjeux de gestion et émission acoustique au sein du véhicule.
Au-delà de tous ces sons émis par le véhicule, la communication au sein de l’habitacle ne doit pas être négligée. Cette caractéristique est particulièrement visible lorsqu’un passager à l’avant de la voiture essaie de parler à un autre assis sur le siège arrière, en particulier dans les véhicules plus bruyants ou plus imposants. Certains systèmes audio isolent et accentuent la conversation entre les passagers des sièges avant et arrière. Dès lors, il n’est plus nécessaire d’élever la voix ou, pire, de tourner la tête pour parler aux passagers, obligeant le conducteur à quitter la route des yeux.
L’acoustique automobile : des sources sonores combinées
Le défi prioritaire de la fusion des sources sonores découle du trop grand nombre de systèmes embarqués et de leurs exigences. Dans la conception des véhicules contemporains, la plupart des sources audio sont des modules individualisés et indépendants où les ondes lues par les haut-parleurs et échantillonnées par les microphones sont contrôlées par différentes entités. Ces multiples composants audio existent conjointement dans l’espace acoustique et se coordonnent pour fonctionner.
Si ce n’est pas le cas, le système n’offrira qu’une expérience audio médiocre. Les entrées et sorties du son non synchronisées avec différents besoins peuvent introduire une multitude de problèmes pouvant également entacher la perception et les performances du conducteur et, en fin de compte, affecter la sécurité.
En matière de complexité acoustique, le secteur automobile est confronté à l’éternel problème de la réalisation pratique et technique de méthodes de résolution des problèmes théoriquement faciles à mettre en œuvre. Un nombre croissant de constructeurs automobiles trouve que la solution réside dans un contrôle centralisé intégrant et orchestrant les systèmes audio généraux du véhicule.
Mais pourquoi est-ce si difficile ? Une partie du problème est qu’il existe généralement plusieurs fournisseurs avec différents composants du système. Il existe plusieurs puces-systèmes SoC (System on Chip), DSP (ou processeurs de signal numérique) et systèmes d’exploitation sur lesquels même un contrôleur audio centralisé doit fonctionner. Il faut être conscient que cette grande variété d’utilisations audio peut, via une gestion intelligente des ressources audio, optimiser l’expérience et la qualité sonore sans impacter la sécurité. Pris dans son ensemble, c’est un défi de taille pour un système audio global, et très peu de plateformes technologiques semblent actuellement être à la hauteur.