[TRIBUNE de Christophe da Fonseca, PAESSLER] Si personne ne remet en cause l’intérêt et la rapidité des progrès de l’Internet des objets (IoT), la sécurité des objets connectés, elle, continue d’inquiéter. Il est relativement simple de les pirater et les nombreuses cyberattaques récentes ont montré les dangers d’un réseau globalisé. Eclairage de Christophe da Fonseca, Sales Development Manager France chez Paessler, éditeur de la solution de supervision unifiée d’infrastructures informatiques PRTG Network Monitor. ...
La transformation numérique du monde progresse, avec dans son sillage, de plus en plus d’appareils intelligents qui communiquent entre eux (y compris dans des secteurs sensibles) afin de nous faciliter la vie. Mais l’IoT a aussi des faiblesses évidentes de sécurité. Quand des cybercriminels détectent des équipements IoT vulnérables, il leur suffit souvent d’actions basiques pour les pirater. Les moyens les plus simples demeurent l’attaque par force brute pour trouver un mot de passe ou encore l’utilisation des identifiants de connexion par défaut, configurés en mode usine. Car il est malheureusement clair que, pour des raisons de coût, de nombreux fabricants utilisent les mêmes données de connexion standard pour tous leurs appareils, au lieu de définir un mot de passe distinct pour chacun. En utilisant des botnets récupérés sur le Darknet, il devient ainsi possible d’infecter des milliers d’équipements d’un seul coup.
Un état des lieux alarmant
La vérité, c’est que les objets connectés n’ont jamais vraiment été sûrs, et il est évident que certains risques vont s’intensifier. L’une des plus graves menaces de ces dernières années a été le botnet Mirai, qui a provoqué des attaques DDoS massives à l’aide d’identifiants de connexion standard. Il a permis de mettre en évidence que des produits chinois bon marché tels que des webcams figurent parmi les équipements IoT les plus vulnérables, qui ne devraient être utilisés que dans des environnements isolés. Depuis que le code source de Mirai a été publié, pratiquement tout le monde peut faire fonctionner son propre botnet IoT ou réécrire le code de programmation à sa façon, ce qui a permis à de nombreuses mutations de Mirai de voir le jour.
Les autres moyens d’infecter un objet connecté étant plus sophistiqués et onéreux, ils sont moins répandus. C’est le cas par exemple de l’ingénierie inverse des firmwares ou des systèmes d’exploitation, qui requiert des connaissances techniques pointues et beaucoup de temps. Des stratégies de sécurité peuvent néanmoins être appliquées dans ce domaine.
En finir avec les mots de passe standard
Une solution possible et efficace pour améliorer la sécurité dans l'IoT serait de permettre aux utilisateurs de modifier facilement leurs identifiants de connexion à leurs objets connectés. Certes, cette stratégie n’aurait d’efficacité que sur les méthodes d’infiltration les plus élémentaires, mais le jeu en vaut la chandelle puisque ce sont les plus répandues. Les fabricants pourraient ainsi « forcer » leurs clients à modifier leurs identifiants de connexion en rendant obligatoire la saisie d’un mot de passe unique et fort lors du démarrage initial de l’appareil. Les fabricants pourraient également attribuer un mot de passe unique généré aléatoirement à chaque périphérique et l’envoyer au client avec l’objet connecté. En pratique, le changement d’identifiants de connexion limiterait nettement le nombre d’appareils vulnérables et compliquerait la tâche des hackers et bots qui essaient d’en prendre le contrôle.
Le problème des clés de chiffrement
Les fabricants peinent à concevoir des objets connectés qui intègrent d’office des mécanismes de sécurité, que ces équipements soient destinés aux particuliers ou aux entreprises. C’est notamment le cas pour le chiffrement. Dans les faits, rien n’empêche de chiffrer les données qu’un objet connecté recueille et transmet à un autre périphérique ou vers le cloud pour analyse. Il est ainsi possible de trouver de très bons conseils à propos des algorithmes recommandés ou de la longueur des clés, et il existe plusieurs solutions de chiffrement open source. Mais c’est au niveau de la protection et de la gestion des clés de chiffrement que le bât blesse. Or ces carences retirent toute efficacité au processus de chiffrement. Une clé mal gérée peut rendre les données chiffrées inutilisables si, par exemple, elle n’est pas rendue disponible dans un processus d’authentification. Le nombre de périphériques dans l'IoT exacerbe ainsi de manière exponentielle les défis du chiffrement et de la gestion des clés.
S’ajoute à cela le fait que beaucoup d’objets connectés n’ont pas les capacités techniques requises pour chiffrer les données efficacement. Dotés d’un espace de stockage limité, ils ne peuvent généralement pas intégrer une connexion SSL digne de ce nom. Les fabricants d’objets connectés, en particulier ceux destinés au grand public, continuent ainsi de commercialiser des appareils dont la sécurité est légère, sinon inexistante. Et nous ne pouvons pas y faire grand-chose.
La cybersécurité est l’affaire de tous
Si le public est de plus en plus sensible aux failles de sécurité des objets connectés, cette prise de conscience est pour l’heure insuffisante pour avoir un impact sur les décisions d’achat, dont les facteurs déterminants restent les fonctionnalités et le prix. Pour preuve, le succès actuel des Amazon Echo et Google Home auprès des consommateurs. Ainsi, s’il est vrai que la première grande vague d’attaques, avec le botnet Mirai en tête, n’a pas manqué d’attirer l’attention des spécialistes de la cybersécurité, le consommateur lambda, lui, n’a pas encore conscience de l’ampleur du problème. Ceci étant, on assiste à l’émergence d’une petite, mais croissante, fraction de consommateurs qui s’inquiètent vraiment de la sécurité des objets connectés, en particulier celle des enceintes intelligentes capables d’écouter tout ce qui se dit à proximité d’elles. La pression sur les fabricants augmente donc et avec elle, la demande de meilleures mesures de sécurité et de protection des données.