[TABLE RONDE] Lors d’une table ronde organisée par le distributeur Farnell, plusieurs intervenants industriels et fournisseurs de composants ou sous-systèmes pour l’industrie ont tracé les grandes lignes de l’évolution des forces en mouvement qui fondent le concept d’industrie 4.0. Résumé des discussions.
L'industrie 4.0 fait référence au déploiement des technologies numériques et de l'automatisation pour transformer les performances des installations de fabrication. Une approche fondée sur trois briques fondamentales : l’automatisation, les technologies de traitement des données et l’intégration des machines, des logiciels et des personnes. De fait, l'industrie 4.0 vise à faciliter l'optimisation de la production, une meilleure utilisation des actifs et une augmentation de la productivité du travail. Il s'agit in fine de l'interaction transparente entre logiciels, équipements et personnes, conçue pour améliorer la vitesse et la fiabilité des informations qui circulent entre les systèmes d'un fabricant et ceux qui les exploitent.
« L'industrie 4.0 est l'intégration de plusieurs technologies dans l'espace industriel, explique Matt Dentino, responsable Internet industriel des objets chez Advantech North America (photo ci-contre). En intégrant des données pertinentes en temps réel directement en direction des décideurs au dernier étage d'une organisation, et maintenant dans le cloud, on change de paradigme. L'industrie 4.0 implique des données de machine à machine, des indicateurs clés de performances (KPI) et des informations améliorées qui offrent une intégration opérationnelle beaucoup plus fine que par le passé. Au fond l’industrie 4.0 peut être interprété comme l'intégration de l'atelier vers le dernier étage d’une entreprise. »
Vers une connectivité haut débit
Avec l'explosion des données provenant des machines et appareils connectés, les méthodes de connectivité devront s'adapter dans l’entreprise pour gérer un trafic tpujours plus important. Les systèmes et solutions qui produisent d'énormes flux de données, tels que les drones, les caméras vidéo avec reconnaissance automatique et la réalité augmentée, nécessitent au moins une connectivité 5G qui, selon les applications, devrait jouer un rôle majeur dans le développement de l'IoT dans les années à venir.
Parmi les avantages de la 5G, citons une vitesse réseau plus rapide, une latence plus faible, la possibilité à davantage d'appareils d'être connectés en simultané, une consommation d'énergie réduite et un découpage du réseau (network slicing) qui donnera aux entreprises manufacturières leur propre réseau sécurisé avec une qualité de service (QoS) garantie. Cette technologie de découpage du réseau permet à différentes zones d'une usine de fonctionner à des vitesses et des latences différentes, autorisant les administrateurs à réaffecter la bande passante précieuse des systèmes non critiques aux zones qui consomment davantage de données.
L’avènement de la réalité augmentée
Le temps étant essentiel dans un environnement de production, en particulier lorsque les installations sont hors ligne ou hors production en raison d'une maintenance ou d'une panne, un accès rapide aux informations de maintenance est vital. Les ingénieurs et les opérateurs affectés à ces tâches vont bénéficier dans les années qui viennent de l’apport de la réalité augmentée, qui offre plus de connaissances dans des formats que les gens peuvent facilement comprendre et utiliser. Ce qui permettra de prendre de meilleures décisions plus rapidement sur la base de preuves factuelles et de données concrètes.
« Je pense que la technologie de réalité augmentée qui existe déjà dans le métavers et dans les jeux va se déplacer dans l'espace de fabrication, commente Matt Dentino. D’ores et déjà, par analogie, on voit que les médecins s'entraînent à l'aide de casques de réalité augmentée et de gants haptiques afin de pouvoir effectuer des opérations et développer des compétences dans une situation de type réalité augmentée - bien avant de se tenir au-dessus d'un patient vivant dans une vraie salle d'opération. »
Aller vers un codage plus facile et plus rapide
A mesure que l'industrie 4.0 se développe, l'un des besoins émergents est de tenir compte de l'évolution des compétences de la main-d'œuvre moderne. Les ingénieurs plus âgés quittent l'industrie et emportent leurs compétences avec eux, avec notamment une approche traditionnelle de la programmation. Cela signifie que des moyens plus simples de programmer les appareils et les systèmes deviennent nécessaires, pour contourner cette disparition de savoir et tenir compte du fait que les nouveaux employés sont des “natifs du numérique”.
« Un aspect important de l’industrie 4.0 est la mise à disposition de plates-formes d'application à faible codage, ce qui implique de former de nombreux ingénieurs logiciels à cette approche dite “low code”, note Matt Dentino. Là où il fallait peut-être quelques semaines pour modifier une routine d'automatisation à l'aide de la logique à relais, cela peut maintenant prendre quelques minutes avec des technologie de configuration de type “glisser-déposer”. Cela signifie que même si les compétences plus anciennes s'estompent dans la main-d'œuvre, nous verrons l'adoption de processus automatisés s'accélérer, car la partie du codage qui prenait traditionnellement le plus de temps peut désormais être effectuée automatiquement beaucoup plus rapidement sans les connaissances spécialisées qui étaient auparavant nécessaires. »
L’intelligence artificielle arrive dans les usines
L’intelligence artificielle (IA) est désormais utilisée tout au long de la fabrication dans un certain nombre de cas d'usage de l'industrie 4.0, notamment la collecte et l'analyse de données pour la maintenance prédictive. Avec du machine learning pour optimiser les processus et ainsi améliorer la qualité, favoriser l'efficacité et les économies d'énergie et optimiser le suivi en temps réel de la production. L’IA peut également être utilisée pour former de nouveaux employés en apprenant les compétences des machinistes, opérateurs et ingénieurs expérimentés de l'entreprise et en les transmettant lors de sessions de formation en réalité virtuelle ou augmentée.
« Les grandes entreprises comme Eaton consacrent beaucoup de ressources à l'embauche d'experts en analyse de données, explique Alexandra Rangel, ingénieure d'application National PowerXpert (photo ci-contre) dans la division des composants de puissance d'Eaton, un partenaire de Farnell. L'intelligence artificielle permet de prendre des décisions éclairées et conduit à la mise en place de beaucoup plus d'autonomie dans les usines de fabrication. Celle-ci va autoriser la réduction du temps nécessaire pour arriver à des décisions sur les améliorations et les tâches requises pour optimiser un processus. Le résultat sera une baisse du gaspillage, une réponse plus rapide aux événements et une qualité globale améliorée grâce à des processus plus finement réglés. »
Ouvrir la voie à une meilleure intégration des données OT et IT
Une autre tendance est que les domaines traditionnellement séparés des technologies opérationnelles (OT) et des technologies de l'information (IT) vont se rapprocher. Les systèmes OT surveillent les événements, les processus et les appareils, et effectuent des ajustements dans les opérations d'entreprise et industrielles, tandis que les systèmes informatiques sont utilisés pour l'analyse et le traitement des données. Le mouvement Industrie 4.0 va produire une convergence des machines, des dispositifs électromécaniques et autres équipements industriels avec le monde numérique plus récent des serveurs, du stockage et des réseaux. Lorsqu'elle est correctement mise en œuvre, cette convergence IT/OT conduit à son tour à la fusion des processus métier, des informations et des contrôles dans un système entièrement coordonné et uniforme.
« Je pense que le plus grand changement dans l’industrie 4.0 va être l'accélération de la connexion des données OT aux données informatiques pour améliorer les résultats commerciaux, explique Barry Turner, Technical Business Development Manager chez Red Lion Controls (photo ci-contre). C'est une voie qui va résoudre de nombreux problèmes associés à la chaîne d'approvisionnement aujourd'hui. Car en exploitant les données OT et en les connectant aux données informatiques, il devient possible de créer de meilleurs modèles commerciaux. Dans cette approche, nous finirons par passer à l'industrie 5.0. Car, alors que l'industrie 4.0 consiste à tirer une valeur supplémentaire des applications industrielles, la 5.0 prend cette valeur et la réinvestit dans une approche à vocation plus directement économique et commerciale. »