Alors que la recherche sur les composants technologiques de la future norme de communication sans fil 6G bat son plein, les possibilités d'une interface air (entre la station de base et le terminal communicant) pour la 6G, fondée sur la mise en œuvre d’algorithmes d’intelligence artificielle (IA) et d’apprentissage automatique (ML), sont également explorées. Lors du Mobile World Congress qui s’est déroulé du 27 février au 2 mars, le fabricant d’instruments de test et mesure Rohde & Schwarz, en collaboration avec Nvidia, estime avoir fait un pas en avant dans ce domaine avec l'une des premières démonstrations matérielles d'un récepteur radio neuronal, montrant les gains de performances réalisables grâce à l'utilisation de modèles d’apprentissage automatique entraînés, par rapport au traitement du signal traditionnel.
La démonstration portait sur la mise en œuvre d’un récepteur neuronal dans un scénario 5G NR multi-utilisateurs et multi-antennaires (MU-Mimo) – une voie qui pourrait être intégrée à terme dans une éventuelle spécification de la couche physique de la 6G. La configuration combine des solutions de test pour la génération et l'analyse de signaux de Rohde & Schwarz et la bibliothèque open source Sionna de Nvidia. Cellte dernière est fondée sur des modèles définis dans l’environnement TensorFlow et accélérés par un processeur graphique de Nvidia pour les simulations au niveau de la couche physique des systèmes de communication sans fil. Les modèles Sionna permettent le prototypage rapide d'architectures de systèmes de communication complexes et fournissent une prise en charge native de l'apprentissage automatique dans le traitement du signal 6G.
Pour rappel, le concept de récepteur neuronal consiste à remplacer des blocs de traitement du signal au niveau de la couche physique d'un système de communication sans fil par des modèles d'apprentissage automatique entraînés. De fait, les organismes universitaires, les principaux instituts de recherche et les experts de l'industrie du monde entier prévoient que la future norme 6G utilisera l'IA/ML pour les tâches de traitement du signal, notamment pour l'estimation du canal, l'égalisation de canal et le “démappage”.
Les simulations réalisées dans ce contexte suggèrent aujourd'hui qu'un récepteur neuronal pourrait augmenter la qualité de la liaison et aurait aussi un impact sur le débit par rapport aux algorithmes logiciels déterministes utilisés actuellement dans la 5G NR. De plus, cette approche pourrait permettre aux sous-systèmes radio d’un écosystème 6G de s’adapter en temps réel aux besoins.
Pour entraîner ces modèles d'apprentissage automatique, la mise à disposition d’un ensemble de données fiables est une condition préalable. Or souvent, selon Rohde & Schwarz, l'accès requis à ces ensembles de données sur une liaison 6G est limité ou tout simplement indisponible. Dans l'état actuel des premières recherches sur la 6G, les équipements de test et de mesure offrent à ce niveau une alternative viable pour la génération d’ensembles de données avec différentes configurations de signaux pour former des modèles d'apprentissage automatique en vue de tâches de traitement du signal.
Dans la configuration d’un récepteur neuronal doté de capacités IA/ML présentée par Rohde & Schwarz, le générateur de signaux vectoriels SMW200A de la société émule deux utilisateurs individuels transmettant un signal de 80 MHz de largeur de bande dans la direction de la liaison montante avec une configuration de signal Mimo 2x2. Chaque transmission utilisateur est soumise indépendamment à des phénomènes d'évanouissement (fading) et du bruit est appliqué pour simuler des conditions de canal radio réalistes.
Le récepteur satellite MSR4 de Rohde & Schwarz agit ici dans la démonstration comme récepteur, capturant le signal transmis à une fréquence porteuse de 3 GHz en utilisant ses quatre canaux de réception à cohérence de phase. Les données sont ensuite fournies via l'interface de diffusion en temps réel à un serveur. Là, le signal est prétraité à l'aide de l’équipement Server-Based Testing (SBT) de Rohde & Schwarz, comprenant les microservices du logiciel VSE (Vector Signal Explorer) de la société. Cet outil d'analyse synchronise le signal et effectue des transformées de Fourier rapides (FFT).
L’ensemble de données post-FFT ainsi créé sert alors d'entrée pour un récepteur neuronal mis en oeuvre à l'aide des modèles Sionna de Nvidia. Dans le cadre de la démonstration, le récepteur neuronal est ensuite comparé au concept classique d'une architecture de récepteur à erreur quadratique moyenne linéaire minimale (LMMSE, Linear Minimum Mean Square Error) qui applique des techniques traditionnelles de traitement du signal fondées sur des algorithmes logiciels déterministes, largement adoptés dans les réseaux cellulaires 4G et 5G actuels.
« Le traitement du signal dans les communications sans fil à l'aide d'algorithmes d'apprentissage automatique est un sujet très brûlant dans l'industrie en ce moment, souvent controversé parmi les experts, explique Andreas Pauly, vice-président exécutif de la division Test & Mesure de Rohde & Schwarz. En travaillant avec Nvidia sur ce banc d'essai, les chercheurs et experts de l'industrie pourront valider leurs modèles et les tester dans une expérience de type hardware-in-the-loop, en utilisant nos solutions de test pour la génération et l'analyse de signaux. »
Pour être complet, signalons que sur ce même salon Mobile World Congress, l’équipementier Nokia, l’opérateur japonais NTT et sa filiale mobile NTT DoCoMo ont mis en œuvre de l'intelligence artificielle et de l'apprentissage automatique au niveau de l'interface air et ont testé l'utilisation d'un nouveau spectre pour la 6G, situé sous la barre du térahertz (voir notre article).
Vous pouvez aussi suivre nos actualités sur la vitrine LinkedIN de L'Embarqué consacrée aux réseaux LPWAN et 5G pour l’Internet des objets : LPWAN & 5G