[TRIBUNE de Thomas Søderholm, NORDIC SEMICONDUCTOR] Alors que des milliards d’équipements, d’objets et de dispositifs divers et variés sont déjà connectés, l’Internet des objets (IoT) ne fait qu’entrer dans sa phase de maturité. Voici, selon Nordic Semiconductor, les cinq tendances qui devraient façonner le secteur de l’IoT en 2024.
Avant même que vous ayez fini de lire cet article, près de 80 000 nouveaux dispositifs IoT se seront connectés à Internet. Les chiffres varient considérablement d’un analyste à l’autre, mais à ce rythme nous pouvons prédire sans risque qu’il y aura plus de 30 milliards de connexions IoT d’ici 2030. En attendant, nous en sommes certains : nous ne sommes qu’au début de la révolution de l’IoT et l’année qui vient sera une nouvelle année pivot de croissance record. Cela s’explique notamment par cinq tendances clés qui vont probablement influencer l’IoT dans les douze prochains mois et qui vont faire de 2004 l'année où l’Internet des objets devrait devenir véritablement massif.
1 - IA, ML et convergence avec l’IoT
Depuis l’avènement de l’IoT, le mot "intelligent" est devenu synonyme de connectivité. Nous entendons désormais parler de maison connectée, de santé connectée, d'appareils portatifs connectés et ainsi de suite. Ces dispositifs sont interactifs, mais les rendre véritablement intelligents demande plus qu’une simple liaison sans fil. Il faut aussi, comme le nom l’indique, de l’intelligence.
L’intelligence artificielle (IA) a fait couler beaucoup d’encre au cours des dernières années par le biais de la médiatisation de ChatGPT et d’autres programmes d’IA générative. L’IA et l’apprentissage machine ou machine learning (ML) sont parfois confondus, mais dans le contexte plus étroit de l’IoT, nous parlons de l’application pratique de formules mathématiques permettant de résoudre des problèmes du quotidien sur la base de données et non pas d’une machine ayant une intelligence de niveau humain.
Dans ce contexte, en 2024, l’IA et le ML appliqués à l’IoT (ce que l'on résume par l'acronyme AIoT) déboucheront sur des solutions plus intelligentes, puissantes et utiles, tout en permettant d’activer de nouvelles catégories et classes d’applications qui étaient précédemment impensables. Plus une solution IoT est "intelligente", plus elle est recherchée, et en 2024 le ML devrait faire son entrée sous une forme ou une autre dans tous les dispositifs IoT en périphérie de réseau (edge).
Le plus grand obstacle à l’adoption de l’AIoT actuellement réside dans sa capacité de prise en charge des dispositifs à ressources limitées, sachant que l’alimentation par batterie est incontournable pour toute application IoT. L’exécution d’applications AIoT sur une puce sans fil alimentée par batterie implique des capacités de calcul puissantes et peu énergivores. En associant des processeurs évolués et une connectivité sans fil à ultrabasse consommation, il devient viable de développer des applications AIoT qui s’appuient sur des capteurs alimentés par batterie pendant une période prolongée.
Le nouveau SoC nRF54H20 de Nordic fournira la puissance de calcul nécessaire pour le machine learning tout en maintenant la consommation à un faible niveau
Par exemple, les dispositifs médicaux avancés à porter sur soi permettront non seulement de collecter des données sur le porteur comme ils le font actuellement, mais aussi de traiter les quantités impressionnantes de données ainsi générées pour identifier les anomalies révélatrices de problèmes de santé. Cela permettra aux développeurs de dispositifs portables de cibler les données à communiquer aux médecins pour les aider à prendre rapidement des décisions cliniques, au lieu de les bombarder de données brutes, sans filtre, dont l’importance médicale n’est pas évidente.
Ce traitement en périphérie a également pour avantage de contourner les tâches chronophages et onéreuses de transfert de ces données brutes sur le cloud, où elles sont exposées à des risques de sécurité et sollicitent la batterie pendant des périodes très longues.
2 - Un avenir sans batteries
L’IoT dépendra encore des batteries en 2024, mais les progrès qui devraient être réalisés laissent entrevoir un avenir sans batteries l’année suivante. L’ultrabasse consommation est devenue la norme des applications IoT, et les énergies captées ou renouvelables devraient permettre de parvenir à un fonctionnement sans aucune batterie, quel qu’en soit le type, et ainsi autoriser l’IoT à franchir une étape significative pour un avenir durable.
Dans un environnement futur comptant 30 milliards de dispositifs IoT alimentés par batterie, environ 10 millions de batteries devront être remplacées chaque jour. Cette hypothèse basse suppose que les avancées technologiques permettent aux cellules de durer une décennie et que la consommation déjà incroyablement basse des composants continuera de se réduire. Il faut donc une autre approche.
Les capteurs IoT de demain doivent récupérer l’énergie présente dans leur environnement, l’utiliser pour charger une batterie ou un supercondensateur, et appliquer une procédure intelligente de gestion du budget énergétique couplée à des solutions de connectivité IoT très performantes à courte portée ou cellulaires capables d’exploiter le moindre microwatt.
Le captage d’énergie permet à des dispositifs, tels que ce traceur d’objets de SODAQ de fonctionner sans batteries
Le captage de l’énergie solaire pour les dispositifs IoT est le choix le plus évident en matière d’alimentation renouvelable des applications IoT. Il a pour avantage de pouvoir alimenter des dispositifs déployés dans des zones reculées sans investissements lourds ni infrastructure spécialisée, et de plus cette technique est fiable, efficace et économique.
Les cellules photovoltaïques (PV) offrent également la plus forte densité de puissance et la plus forte puissance de sortie par rapport aux autres possibilités de captage. L’inconvénient est que l’énergie solaire est variable. Pour compenser cela, les dispositifs IoT doivent inclure un "réservoir", sous forme de supercondensateur ou de batterie Li-Po (lithium-polymère), qui permet d’alimenter le capteur IoT directement et sans interruptions, tandis que le capteur d’énergie continue de remplir le réservoir.
L’énergie produite par les ondes radio, les mouvements et la chaleur peut remplacer l’énergie solaire dans les applications de captage d’énergie pour l’IoT. Les ondes électromagnétiques sont présentes dans l’environnement et peuvent provenir de téléphones, d’émetteurs radio et de téléviseurs, puis être captées et converties en énergie utilisable. Le captage de l’énergie cinétique est intéressant, surtout pour les applications IoT industrielles (IIoT), car les vibrations des machines, leur rotation, les flux de liquides et l’induction électromagnétique peuvent être efficacement utilisés pour alimenter les périphériques IoT. L’énergie thermique est une option viable sous certaines circonstances, et peut également provenir de machines industrielles, voire du corps humain.
Certains dispositifs à porter sur soi captent déjà la chaleur dégagée par le corps pour la transformer en énergie et cette technique devrait se développer en 2024, car l’IoT aura de plus en plus recours à des solutions à énergie durable.
3 - La sécurité de l’IoT est devenue essentielle
L’IoT, comme tout ce qui est en ligne, est vulnérable au piratage. Le niveau de risque dépend de facteurs très divers, mais de nombreuses personnes ont le temps et la volonté d’exploiter les dispositifs IoT à des fins malveillantes.
Selon le rapport de SonicWall sur les menaces cybernétiques publié mi-2023, les malwares IoT ont augmenté de 37% dans le monde au cours des six premiers mois de 2023, ce qui s’est traduit par 77,9 millions d’attaques, soit environ 150 attaques par minute chaque jour. Dans le même temps, les consommateurs, les gouvernements, les organismes industriels et les instances de normalisation sont devenus plus stricts concernant les dispositifs IoT qui ne satisfont pas aux tests de sécurité.
Cela signifie qu’en 2024, la sécurisation de l’IoT sera essentielle. Les dispositifs IoT ont souvent des ressources limitées en puissance de calcul, en mémoire et en énergie, et parfois manquent de fonctionnalités matérielles et logicielles de protection contre les menaces potentielles. Cela peut déboucher sur des implémentations de sécurité simplifiées ou légères sur les dispositifs IoT, ce qui les expose donc davantage aux attaques.
En 2024, la sécurité devra être intégrée dans les dispositifs IoT dès la conception et pouvoir être actualisée constamment sous forme de mises à jour over-the-air. Les spécialistes de l’IoT conscients des impératifs de sécurité, tels que Nordic Semiconductor, ont identifié un ensemble d’objectifs de sécurité de base qui doivent être inclus dans les produits par défaut. Ces fonctionnalités incluent la garantie que seuls les logiciels autorisés peuvent être exécutés et mis à jour sur un dispositif, la séparation entre les services de confiance et les autres, et la présence d’un stockage sécurisé pour assurer la confidentialité et l’intégrité des données et des ressources.
Le SoC nRF5340 de Nordic a obtenu l’accréditation de sécurité PSA Certified Niveau 2
La standardisation est également nécessaire pour parvenir à une sécurité plus élevée et homogène. Un consortium industriel, dénommé PSA Certified, a développé un framework à 4 niveaux pour guider les développeurs lors de l’implémentation d’un niveau de sécurité adapté à leur produit, avec des conseils et des ressources techniques, ainsi qu’un accès à un écosystème de composants certifiés et standardisés. Cette certification PSA se généralisera en 2024, et en complément des programmes de labélisation de la sécurité, elle permettra d’indiquer clairement aux clients que la technologie qu’ils utilisent chez eux est sûre.
4 - L’IoT cellulaire prend enfin son envol
Cela était attendu depuis longtemps, mais 2024 sera l’année où la technologie IoT cellulaire se généralisera vraiment. Cela signifie qu’elle sera présente dans de nombreux types de produits, applications et marchés.
Plusieurs technologies sont en concurrence pour les réseaux étendus à basse consommation (LPWAN), un aspect essentiel de l’infrastructure IoT, mais les technologies cellulaires NB-IoT et LTE-M deviennent dominantes et s’arrogent déjà 57% de la base installée mondiale équipée en LPWAN selon un rapport d’IoT Analytics. Ce rapport laisse entendre que l’existence d’un écosystème complet et le soutien de grands noms de l’IoT, ainsi que le coût relativement faible de la connectivité et du matériel, favorisent l’adoption de l’IoT.
L’IoT cellulaire offre une connectivité IP de bout en bout, une flexibilité inhérente et la prise en charge à grande échelle de l’IoT sans commune mesure avec les autres solutions. Les stations de base peuvent prendre en charge des dizaines de milliers de connexions IoT cellulaires, les communications sont entièrement bidirectionnelles, robustes, fiables et sécurisées, et dans le contexte du déploiement mondial des infrastructures réseau, 2024 s’annonce comme une excellente année pour l’IoT cellulaire. Cette technologie est déjà présente dans quasiment toutes les applications IoT jamais inventées.
Au cours des 12 derniers mois, chez Nordic Semiconductor, nous avons travaillé avec des clients sur des projets IoT cellulaires allant des périphériques de gestion des déchets pour garder les villes intelligentes propres, jusqu'aux capteurs de systèmes d’irrigation pour aider les agriculteurs à préserver des ressources en eau précieuses, en passant par les traceurs pour animaux, colis et espèces en danger, les bornes de recharge connectées pour véhicules électriques, les solutions industrielles de contrôle et de maintenance ou les compteurs électriques intelligents.
En 2024, la portée de ces applications dépassera tout ce que nous avions vu précédemment et n’aura pour seule limite que l’imagination des développeurs.
5 - L’IoT devient massif
La seule raison pour laquelle l’IoT n’a pas atteint sa masse critique est que cette technologie n’était pas viable d’un point de vue technologique ou commercial pour les communications massives de type machine à machine (M2M). Dans ce cas, il ne s’agit plus de milliers de dispositifs, mais de millions, voire de milliards. Et un jour viendra où il y aura plusieurs millions de milliards de capteurs IoT et de "choses" connectées avec des densités d’installation de l’ordre d’un million de périphériques par kilomètre carré. Ce ne sera sans doute pas l’année prochaine, mais néanmoins ce sera bientôt le cas.
En 2024, le futur de l’IoT massif dépendra de deux technologies IoT 5G standard qui ont été conçues dès le départ pour prendre en charge l’IoT pour réseaux étendus à basse consommation : l’IoT cellulaire et le DECT NR+. La 4G a fourni une plateforme pour l’IoT cellulaire, mais la 5G est la première norme radio définie pour un IoT massif, et le DECT NR+ est la première technologie sans fil non cellulaire à être intégrée dans la norme 5G standard.
Si vous ne recherchez pas une utilisation mondiale, mais seulement une utilisation sur une zone géographique limitée, les entreprises comme les particuliers ont désormais la possibilité de créer leurs propres réseaux "privés" qui prennent en charge les données à bas coût. La bande de fréquence autour de 1,9 GHz exploitée par le DECT NR+ dispose d’un spectre d’affectation mondial qui ne nécessite aucune licence (à l’exception notoire du Japon, de l’Inde et de la Chine). Il s’agit d’une norme radio unique, sécurisée et fiable qui est ouverte au futur et évolutive.
D’autre part, dans la mesure où la licence d’usage de la bande est gratuite, le DECT NR+ ne génère pas de frais supplémentaires pour les données, ce qui constitue un avantage considérable par rapport aux équivalents sous licence. Avec le DECT NR+, les utilisateurs peuvent déployer leurs propres réseaux privés qui utilisent une technologie primée essentielle pour garantir une infrastructure cellulaire mondiale ultrasécurisée et fiable. En l’état, cette technologie devrait démocratiser les communications sans fil en 5G, car elle autorise les déploiements IoT massifs avec tous les avantages du cellulaire, mais à un coût considérablement moindre.
Le tout nouveau composant nRF9161 de Nordic assure à la fois la connectivité nécessaire pour l’IoT et la connectivité DECT NR+