Une personne paraplégique pilote sa marche par la pensée grâce à des implants développés en partenariat avec le CEA

Une première mondiale ! Une personne paraplégique a pu marcher en pilotant ses jambes par la pensée grâce à une interface cerveau-moelle épinière. C’est ce qu’affirment les partenaires d’un projet développé dans le cadre d’un partenariat franco-suisse impliquant le CEA (les résultats ont été publiés dans la revue Nature du 24 mai 2023, voir un extrait en fin d'article). Il s’agit des fruits du travail commun des équipes du CEA (au sein du centre de recherche biomédicale Clinatec à Grenoble), associées à celles de l’EPFL (Ecole polytechnique de Lausanne), du CHUV2 et de l’UNIL3, en Suisse.

Ces équipes ont conçu un “pont numérique” qui restaure la communication entre le cerveau et la région de la moelle épinière commandant le mouvement des jambes à l’aide de deux dispositifs médicaux implantables. Le premier, nommé Wimagine, est développé par l’institut Leti du CEA depuis une dizaine d’années. Positionné à la surface du cortex cérébral moteur droit et gauche, il capte et numérise les signaux électriques engendrés par l’intention de mouvement du patient. Grâce à des algorithmes d’intelligence artificielle, ces informations sont ensuite décodées en prédictions de mouvement des jambes, puis converties en séquences de stimulation électrique de la moelle épinière, le tout en temps réel.

Cette interface cerveau-machine implantable unique au monde développée par le CEA est le fruit de plus de 10 ans de R&D. Elle repose sur environ 25 brevets et permet de capter les signaux électriques au niveau de la zone cérébrale liée à l’activité motrice grâce à 64 électrodes en contact avec la dure-mère, une membrane fibreuse entourant le cerveau.

Dans le détail, le dispositif est constitué de circuits intégrés de mesure et de numérisation des signaux neuronaux avec de très bonnes performances en niveau de bruit, associés à une électronique et des antennes de transmission sans fil en temps réel, le tout inséré dans un packaging médical hermétique et biocompatible.

Le second implant mis au point par l’EPFL prend alors le relais. Il s’agit d’un neurostimulateur connecté, au travers d'une matrice d’électrodes, à la zone de la moelle épinière qui contrôle les jambes. Celui-ci reçoit par le biais d'une transmission sans fil les séquences de stimulation qu’il transmet à la moelle, qui à son tour active les muscles des jambes.

Ces recherches ont été validées sur un patient, Gert-Jan, un Hollandais de 40 ans, qui est devenu paraplégique à la suite d’un accident de vélo. Selon les partenaires du projet, à peine quelques semaines après l’opération d’implantation des deux dispositifs, Gert-Jan avait retrouvé le contrôle naturel de ses jambes. Et huit mois plus tard, il était de retour à son domicile, totalement autonome, les équipes ayant intégré les éléments périphériques du système (batteries, ordinateur…) sur un déambulateur.

Aujourd’hui le patient peut se lever, se tenir debout, marcher, monter un escalier, tout en contrôlant l’amplitude et le rythme de ses pas uniquement en y pensant. Au-delà, après six mois d’entraînement, les chercheurs ont noté qu’il a progressivement récupéré des fonctions neurologiques liées à la marche et à l’équilibre. Des résultats qui suggèrent que la synchronisation de l’activité cérébrale et du mouvement, rendue possible par ce “pont numérique”, a sans doute favorisé la formation de nouvelles connexions nerveuses.

Aujourd’hui, les équipes continuent les développements en vue d’un transfert de technologie auprès d’un industriel et explorent d’autres applications, comme la restauration des mouvements des bras et des mains. Le développement d’une nouvelle génération d’interface cerveau-moelle épinière miniaturisée et basse consommation a également été initié, en particulier grâce aux technologies d’électronique intégrée du CEA.