Créée en 2010, la société EGM se définit comme un spécialiste de la mise en œuvre de systèmes IoT interopérables reposant sur des normes ouvertes avec des références dans les domaines des territoires intelligents, de l’agriculture, de l’industriel, de l’eau et de l’énergie. Avec un avantage par rapport à la concurrence, selon Franck Le Gall, dirigeant et directeur technique de l’entreprise : une vision transversale sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la donnée.
Sur le marché en plein développement de l’Internet des objets, comment la société EGM se distingue-t-elle ?
FRANCK LE GALL Nous estimons qu’EGM est l’un des seuls acteurs ayant une vision transversale sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la donnée, de la conception des capteurs jusqu’au traitement des données et la prise de décision par nos clients finaux. Ce savoir-faire technique, nous l’avons acquis à travers notre participation à quelque 34 projets de recherche depuis la création de la société dans des domaines très divers, savoir-faire qui nous permet aujourd’hui de proposer des offres packagées pour des cas d’usage précis, comme l’irrigation connectée, le parking connecté, la surveillance de la qualité de l’air ou d’autres que nous prévoyons de finaliser d’ici à la fin de cette année.
Globalement, notre offre s’adresse aux territoires ou aux entreprises ayant un besoin de remontée d’informations pour optimiser leur savoir-faire dans leur métier.
Pour être plus précis, EGM couvre toute la chaîne de l’IoT et peut accompagner ses clients, que ce soit pour du conseil en R&D, pour la mise au point d’une preuve de concept (POC) ou pour la réalisation d’un projet de bout en bout. EGM peut se charger par exemple de l’approvisionnement, de la qualification et de l’intégration de capteurs, voire de la création de capteurs à façon, et de la transmission des données au travers de réseaux IoT publics ou privés. Au-delà nous mettons en place des architectures edge-cloud et pouvons fusionner ces flux IoT avec d’autres flux d’information en mettant en œuvre notre plate-forme de données open source (qui est conforme aux spécifications Fiware) et pouvons compléter cette offre avec de l’intelligence artificielle, des outils d’aide à la décision, des jumeaux numériques, etc.
Sur le plan matériel, en particulier pour la connexion des capteurs, que propose exactement EGM ?
FRANCK LE GALL Pour la réalisation d’un POC, nous avons développé un produit sur étagère, la plate-forme EdgeSpot, qui a d’abord été conçue pour répondre aux exigences de fiabilité et de développement rapide et agile exprimées par le monde de l’Internet des objets. Nous l’avons développée sous forme d’une solution modulaire, les capteurs et protocoles à interfacer étant très nombreux et variés.
Dans la pratique, l’EdgeSpot est une plate-forme matérielle et logicielle qui peut accompagner les projets depuis la conception jusqu’à la mise sur le marché en accélérant les phases de preuve de concept. Elle permet la connexion de capteurs et actionneurs à travers tous types de réseaux de communication pour une grande variété de cas d’usage. Ses capacités permettent le déport d’algorithmes de traitement et de contrôle intelligents sur le terrain, au sens de l’edge computing. Et ce tout en conservant une faible empreinte énergétique. Alimentée sur batterie, par chargement solaire ou par le réseau électrique, elle est en mesure de s’adapter à toutes les situations rencontrées sur le terrain. Une fois le cas d’usage clarifié, la nomenclature de la carte peut être ajustée pour répondre au besoin à coût optimisé tout en réutilisant le logiciel déjà développé.
Quelles sont les caractéristiques techniques de la plate-forme EdgeSpot ?
FRANCK LE GALL Elle est bâtie autour d’un microcontrôleur STM32L4 avec 512 Ko de mémoire flash et son profil économe en énergie. On y trouve aussi un module de gestion de l’énergie compatible 5 VDC ou 12 VDC ou avec l’alimentation solaire, ainsi qu’une batterie optionnelle. La plate-forme EdgeSpot dispose d’une mémoire FRam de 64 Ko et d’un sous-système de stockage microSD, couplés à une horloge RTC pour sauvegarder les mesures et les paramètres de configuration, même en cas de coupure totale de l’alimentation externe.
Elle prend en charge nativement les protocoles de communication courants (UART, I2C, SPI, RS232, RS422, RS485) et se distingue par trois connecteurs d’extension au standard mikroBUS, compatibles avec plus de 1 000 cartes Click, offrant ainsi une myriade de configurations possibles au niveau des communications (LoRaWAN, Sigfox, LTE-M, NB-IoT, BLE, etc.), des capteurs (biométrique, gaz, magnétique, mouvement…), des interfaces (CAN, USB, 1-wire, Ethernet, 4-20 mA…) et du contrôle (moteurs, relais, optocoupleurs…).
Nous travaillons par ailleurs aujourd’hui à ouvrir l’environnement de la plate-forme EdgeSpot afin que des partenaires puissent porter leurs logiciels dessus et qu’elle interopère avec des plates-formes cloud tierces.
Cette plate-forme a-t-elle déjà été mise en œuvre sur le terrain ?
FRANCK LE GALL En fait nous avons engagé des projets de R&D autour de la plate-forme EdgeSpot depuis deux ans et demi, en France et à l’étranger (comme en Inde par exemple dans le projet de déploiement Lotus lié à la gestion de la qualité de l’eau), et elle est à notre catalogue depuis la fin 2021. Elle a été notamment mise en œuvre en tant que station météo pour la surveillance de parcelles agricoles, ainsi que dans un contexte d’aquaculture pour surveiller la qualité de l’eau de mer afin d’optimiser le processus de production.
La plate-forme EdgeSpot est aussi à la base d’un outil d’analyse bas coût pour analyser les échantillons d’eau et éviter les analyses onéreuses en laboratoire. On la trouve également au cœur d’un data logger industriel basse consommation connecté à Ethernet pouvant interfacer tout type de capteurs industriels, et au sein d’un contrôleur de la consommation pour des passerelles LoRaWAN sobres en énergie.
L’année 2022 doit nous permettre de finaliser tous les développements autour de notre produit EdgeSpot et d’ajouter de nouvelles fonctionnalités à notre outil de traitement de la donnée Stellio.io (NDLR : voir schéma ci-dessous), en lien avec l’évolution de la spécification NGSI-LD de l’Etsi, l’idée étant d’aller plus loin dans l’aide à la décision pour nos clients. Un système IoT n’a en effet de valeur que dans les décisions qu’il permet de prendre et dans l’adaptation des processus internes qui en découle.
Pouvez-vous détailler la spécification NGSI-LD et expliciter son importance dans l’écosystème de l’IoT ?
FRANCK LE GALL La norme NGSI-LD, spécifiée par l’organisme européen Etsi, définit un modèle de données multimétiers et une interface API associée qui visent à faciliter l’échange ouvert et le partage d’informations structurées entre différentes parties prenantes dans des domaines d’application telles que les territoires connectés ou l’industrie du futur, et ce en se positionnant comme plateforme de choix pour la représentation et le gestion de jumeaux numériques. Elle encourage l’interaction entre fournisseurs ou consommateurs de données tels que système d’information, open data, ressources documentaires ou bien sûr les plateformes IoT, que celles-ci soient normalisées (comme la plate-forme OneM2M) ou propriétaires.
Cette spécification est en particulier soutenue par la fondation Fiware et la communauté open source afférente, ainsi qu’à l’international par plusieurs pays tels que l’Inde ou la Corée du Sud. La société EGM est impliquée en tant que membre Gold au sein de l’écosystème Fiware et nous permet d’avoir une vision centrale sur la norme NGSI-LD qui régit les protocoles de données des 450 membres de la fondation Fiware. Mais il faut reconnaître que la France, à la différence d’autres pays européens comme l’Espagne, ne montre de l’intérêt pour cette technologie que depuis peu de temps…
Quels sont aujourd’hui vos objectifs à court et moyen terme ?
FRANCK LE GALL Comme je l’ai évoqué, nous sommes fortement impliqués dans des projets de R&D européens qui nous ont permis de tisser un réseau de partenaires importants. EGM a pris un virage stratégique pour appliquer les innovations développées dans ces projets pour résoudre des problématiques terrain. A titre d’exemple, nous accompagnons la ville de Saint-Quentin dans la mise en place d’un système d’irrigation connectée pour ses terrains de sport. Nous avons également mis en place le système IoT au sein des cantines de la ville pour limiter le gaspillage alimentaire.
Notre volonté sur le court et moyen terme est maintenant d’équilibrer nos revenus entre les projets de recherche subventionnés et les projets B2B. Notre objectif est de doubler rapidement le chiffre d’affaires en structurant notre approche sur de nouveaux secteurs verticaux, tout en montant dans la chaîne de valeur vers le traitement intelligent de la donnée. Sur le plus long terme, nous souhaitons faire grossir nos équipes, constituées aujourd’hui d’une quinzaine de personnes (dont quatre au bureau d’études IoT et six focalisées sur la plate-forme de données Fiware), afin de pouvoir aller toujours plus loin dans nos offres pour les marchés verticaux.
Si l’opportunité se présente, nous comptons aussi, en tant que fabrique à innovations, procéder à la création de spin-off comme nous l’avons fait avec la start-up Senseen qui commercialise un scanner portable pour mesurer le stress des plantes en s’appuyant sur l’état de l’art de la spectrométrie en proche infrarouge et de l’intelligence artificielle.
Propos recueillis par Pierrick Arlot