Si les avions sont inspectés régulièrement lors des phases de maintenance planifiées, ils sont également systématiquement vérifiés après des chocs sur la structure, que ceux-ci soient causés au sol par des équipements aéroportuaires ou en vol, par des oiseaux. Or ces dommages potentiels n’apparaissent pas forcément toujours là où a eu lieu le choc. ...C’est notamment le cas avec les matériaux composites qui sont de plus en plus utilisés dans l’aviation car plus légers que les matériaux classiques.
« Lorsqu’un impact se produit sur des matériaux composites, cela crée une onde de choc, qui se propage et peut aller causer des dégâts – appelés délaminages – loin de l’impact et cela rend la détection plus difficile », détaille Pierre-François Rüedi, expert au CSEM (Centre suisse d’électronique et de microtechnique) et responsable du projet européen Clean Sky H2020 SwissModics qui doit s’achever en août 2023. Un projet mené sous la houlette du laboratoire de recherche helvète dont l’objectif est de développer un capteur d’image de moins d’un millimètre d’épaisseur à large gamme spectrale, qui pourra être inséré dans la structure en composite des avions et détecter ces dommages. L’idée étant à terme d’éviter de longues inspections pour déceler les délaminages et donc des immobilisations coûteuses des avions, voire des démontages.
Selon le CSEM, le capteur d’image sera conçu pour être sensible à différentes longueurs d’onde correspondant à la lumière visible, aux rayons X et à l’infrarouge. Selon les dommages à déceler ou les lieux explorés, le capteur offrira donc trois gammes d’inspection possibles, afin de choisir la plus efficace. « En plus d’éviter des immobilisations et de permettre des inspections plus fréquentes et plus rapides, cet oeil électronique possèdera une gamme de sensibilité qu’aucun autre dispositif n’est capable d’offrir actuellement », indique Pierre-François Rüedi.
Dans le détail, le capteur sera composé d’une puce électronique surmontée de différents types de couches sensibles, qui pourront chacune capter une longueur d’onde différente. Leur composition différera selon la longueur d’onde visée, mais les couches auront toutefois un point commun : elles seront toutes à base de pérovskite, un matériau semi-conducteur aussi utilisé dans le développement de cellules solaires. La lumière captée sera ensuite traitée par les composants électroniques de la puce.
Dans le cadre du projet SwissModics, le CSEM est en charge du développement de la puce, ainsi que de l’étude de la composition des couches en collaboration avec les chercheurs de l’université Jean-Monnet-Saint-Etienne qui les caractériseront. Spécialiste des composites pour l’aéronautique, la société Almay Technologies, installée à Chauvigny dans la Vienne (non loin de Poitiers), s’occupera de la validation du dispositif sur des structures composites contenant des défauts.