En industrialisant des travaux menés au sein du CEA-Leti, Morphosense a développé une chaîne de mesure complète de haute précision bâtie sur des capteurs Mems en réseau pour la surveillance en continu et en temps réel de superstructures. Une manière d’amener le principe de maintenance prédictive au monde du génie civil. ...
Mesurer et suivre avec une très grande précision les déformations d’une structure (tunnel, pont, bâtiment…) afin d’anticiper en amont des problèmes de vieillissement, et pouvoir intervenir, grâce à des données objectives, avant qu’un problème sérieux n’arrive : tel est le crédo de la jeune société Morphosense créée en août 2016 et basée à proximité d’Aix-les-Bains. La start-up plonge ses origines dans des travaux menés au CEA dans les années 2000 et centrés sur des capteurs de mouvement, sur la mesure précise de la déformation d’un objet et sur un algorithme de reconstruction de forme à partir de données tangentielles. Travaux qui ont abouti à des dépôts de brevets internationaux en 2008.
« Après une période de relatif anonymat de ces travaux, des industriels se sont montrés intéressés en 2011, raconte Mikael Carmona, le CTO de Morphosense et cofondateur de la société avec Alexandre Paleologue, Pierre-Damien Berger et Matthieu Bosquet (voir photo ci-contre). A partir de là, le processus de création de Morphosense s’est enclenché avec une phase d’incubation au sein du CEA-Leti, puis la création officielle de la société en 2016. »
Une phase de démarrage qui a débouché sur la réalisation d’un démonstrateur qui visait à déverrouiller les limites des prototypes de laboratoire développés au sein du CEA. Concrètement, la technologie de Morphosense s’appuie sur des capteurs Mems de mesure d’accélération 3 axes extrêmement précis (résolution de 0,1 mm/m, précision de 10-4, très grande stabilité dans le temps et en température), utilisés initialement dans des domaines militaires et dans les systèmes de surveillance de risques sismiques.
Ces capteurs sont reliés en série entre eux via un réseau filaire synchrone dont le protocole a été développé par Morphosense afin d’assurer en toute circonstance un temps de latence très faible et une synchronisation parfaite dans les mesures des capteurs collectées sur le réseau, via un nœud de contrôle. Chacun de ces nœuds de contrôle est capable de gérer de 10 à 15 capteurs dans le démonstrateur, et jusqu’à plusieurs dizaines si des projets le nécessitent, avant d’envoyer les données acquises sur un réseau Ethernet en local ou vers le cloud. La fréquence d’acquisition des données s’étale de 10 Hz à 1 kHz, selon le nombre de capteurs connectés sur le réseau, sur des distances allant d'un mètre à plusieurs centaines de mètres.
« La valeur ajoutée de Morphosense tient à la fois dans l’exploitation des brevets de reconstitution de forme à partir des données tangentielles mesurées, et dans le savoir-faire pointu de mise en réseau synchrone de capteurs à très haute précision, commente Matthieu Bosquet. Avec la possibilité de mettre en place ce dispositif de mesure de manière flexible et extrêmement rapide sur le terrain, un préalable incontournable dans le monde du génie civil. »
Morphosense installe ses capteurs alimentés sur secteur (pour une utilisation en continu sur le long terme sans avoir à changer les batteries sur le terrain) au sein d’ouvrages de grande taille (ponts, barrages, tunnels, navires…). Objectif : apporter chez l’utilisateur, le maître d’ouvrage en l’occurrence ici, une mesure en continu de la déformation géométrique en 3D de la structure et la façon dont elle vibre dans les 3 axes. « Les informations transmises permettent aux gestionnaires de ces ouvrages de calculer des seuils de prévention, déterminés à partir de données objectives issues du terrain, pour déclencher des interventions techniques préventives avant que des problèmes graves ne surviennent, explique Mikael Carmona. Ce principe de maintenance prédictive à partir de données de haute précision acquises en continu sur plusieurs mois, voire plusieurs années, n’existait pas réellement, sauf à réaliser sur les ouvrages des campagnes de mesure ponctuelles. »
Des contrats ont d’ores et déjà été signés avec STX (construction de navires), l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), la société d’exploitation de la Tour Eiffel (voir illustration ci-dessous), le métro de Grenoble et Bouygues. La société est également engagée dans un partenariat avec Egis, un des leaders mondiaux de l’ingénierie du génie civil.
Au-delà, l’ambition de Morphosense est de se tourner vers l’international, en particulier en Amérique du Nord - avec un marché lié à une problématique de vieillissement des infrastructures - et l’Asie (Japon, Taïwan, Singapour) - avec un marché lié aux problèmes sismiques.
Aujourd’hui, la jeune société qui compte six collaborateurs (dirigeants et salariés) cherche à lever de 2 à 2,5 millions d’euros pour financer les innovations à venir et amplifier le déploiement à l’international.