En associant les briques de base dun smartphone et en y associant une technologie de contrôle à distance de lampes LED en Wi-Fi, la jeune société Lucie Labs invente de nouveaux usages pour les spectateurs de concerts ou de manifestations sportives grâce à un bracelet interactif porté sur soi. ...
Si on place dans un même creuset de l’électronique embarquée et une technologie de contrôle de la lumière et qu’on assemble ces briques de base au sein d'un objet connecté, on obtient - avec l’imagination de la jeune société Lucie Labs - un produit complètement novateur qui va bien au-delà du simple concept d’objet connecté, en l'occurrence, un bracelet lumineux interactif qui modifie l’expérience utilisateur dans les concerts musicaux ou les manifestations sportives dans les stades.
Yan Lee-Dajoux, cofondateur de Lucie Labs
Reprenons l’histoire à ses débuts. Issue du vivier des ingénieurs de haut niveau du centre de R&D de Texas Instruments de Villeneuve-Loubet fermé fin 2012, la jeune pousse sophipolitaine Lucie Labs a été fondée en 2013 par Yan Lee-Dajoux et François Mazard, deux anciens de TI. Elle a débuté ses activités en imaginant une coque pour smartphone incluant un "deuxième écran" doté de diodes électroluminescentes (LED) et associée à une utilisation innovante de la lumière. Equipée de 128 LED, la coque permettait de générer des visuels lumineux et colorés, liés à une musique par exemple, d'afficher messages et notifications, de créer des ambiances lumineuses, etc.
Lancé en 2014 sur le site de financement participatif Kickstarter, ce projet novateur a malheureusement été un échec complet ! Mais pas tout à fait... « Cette expérience nous a permis de tester le marché, de nous faire connaître du grand public et surtout de rencontrer une entreprise japonaise, un studio qui crée et exploite des spectacles, raconte Yan Lee-Dajoux. A partir des discussions et des attentes des Japonais, nous avons réutilisé note technologie pour créer un objet novateur, un bracelet connecté interactif dont les caractéristiques ont été pensées en fonction de l’utilisation finale. »
Pensé pour les organisateurs de concerts
Le point de départ est donc lié aux désirs d’organisateurs de concerts d’aller au-delà des simples bracelets à base de LED offerts au spectateurs, qui s’allument et s’éteignent en fonction du rythme de la musique. Il s'agit ni plus ni moins de “mettre de la lumière” dans la foule, et que cette lumière devienne partie intégrante du spectacle en favorisant notamment l’interaction du bracelet avec les mouvements et les émotions des spectateurs. « En réfléchissant à ces usages, nous sommes passés d’une coque destinée au marché B2C, un accessoire dont on ne voyait pas forcément clairement l’intérêt, à un véritable objet centré sur un usage », commente Yan Lee-Dajoux.
Pour ce faire, Lucie Labs a réussi le tour de force de rassembler dans un bracelet porté au poignet et équipé de six LED colorées un microcontrôleur (d'origine Atmel), un circuit Wi-Fi (signé Atmel également), un accéléromètre, une batterie lithium-ion et une puce NFC. Une association qui ouvre la voie à une modification en profondeur de l’expérience utilisateur dans les stades, concerts et salles de spectacles via la collecte en temps réel des mouvements des spectateurs et via la gestion, elle aussi en temps réel, des effets lumineux des bracelets portés par des milliers de personnes. Sans oublier la facilité accrue amenée par ce bracelet aux opérations de paiement sur place (via la dématérialisation des tickets) et de contrôle d’accès.
Dans la pratique, une séquence de jeux de lumière pour les LED des bracelets, liée à la musique, est diffusée en temps réel en Wi-Fi de manière automatique via un serveur de données installé physiquement sur le lieu du spectacle, et ce de manière simultanée à tous les participants au spectacle. Créant alors un effet de lumière collectif. Un outil de création du flux de données définissant la séquence lumineuse a été développé en parallèle par Lucie Labs. La séquence de jeux de lumière peut aussi être mis en branle en mode manuel, selon l’intensité des mouvements des spectateurs (grâce aux données de l’accéléromètre), générant alors un effet de “hola” lumineuse. Un mélange des deux approches est aussi possible via par exemple la création en temps réel d’une séquence lumineuse liée aux réactions des participants. Enfin, un mode purement créatif est disponible : la création d'une séquence courte est alors activée par un fichier son MIDI (Musical Instrument Digital Interface) généré par exemple par un batteur.
Dans cette architecture, le choix du Wi-Fi peut surprendre à première vue. « Nous avons opté pour le Wi-Fi car c’est la seule technologie qui fonctionne en intérieur et en extérieur et qui est capable de véhiculer une haute densité de données en temps réel vers des milliers de personnes, précise Yan Lee- Dajoux. Avec la maîtrise du Wi-Fi dont nous sommes capables, nous pouvons adresser des messages à 50 000 personnes en simultané avec des temps de latence extrêmement courts. De plus, le prix de ces circuits Wi-Fi est désormais très faible et ils consomment de moins en moins. »
Au-delà, le cœur du savoir-faire de Lucie Labs s’appuie in fine sur deux piliers : d’une part, la capacité de la société à combiner les briques de base d’un smartphone en optimisant de manière pointue et globale, la consommation de l’ensemble des composants, notamment pour la partie Wi-Fi la plus énergivore, et, d’autre part, la faculté de créer des flux de données “lumière” pour le contrôle des LED. D’ailleurs, à ce sujet, Lucie Labs a inventé un format de données spécifique pour ces informations envoyées de manière bidirectionnelle vers et à partir du bracelet.
Les premiers prototypes de bracelets sont d’ores et déjà opérationnels, et le déploiement à grand échelle du produit est prévu pour le début 2016. Pour soutenir son développement, la start-up sophipolitaine, qui compte aujourd’hui quatre salariés et qui est en cours de levée de fonds (1 million d’euros visé), a rejoint la troisième saison de l'accélérateur Orange Fab, situé sur la Côte-d’Azur, avec à la clé un programme de trois mois conçu pour transformer un produit sous forme de prototype en une idée industrialisable et commercialement viable.
« Avec cette approche, notre objectif est de passer à une nouvelle génération d’objets et de réinventer des usages en proposant un objet “enchanté”, un objet qui devient alors un moyen et qui s’efface devant l’expérience qu’il procure », conclut Yan Lee-Dajoux.