"L’ingénieur en électronique joue un rôle central dans la conception de cartes"

L'Embarqué Opinion

[TRIBUNE de Lawrence Romine, ALTIUM] Le rôle de l’ingénieur en électronique évolue actuellement sous la pression de plusieurs grandes tendances qui vont impacter sa façon de travailler dont la plus importante est la diminution drastique des temps de développement des projets. Pour relever ce défi, l’ingénieur doit adopter une philosophie de “conception unifiée” et s’appuyer de plus en plus sur le cloud pour la conception et le développement des circuits imprimés, comme l’analyse ici Lawrence Romine, vice-président, Corporate Marketing d'Altium....

Autrefois, la durée du cycle de conception d’une carte pouvait atteindre deux ans ; il s’agissait alors de réduire le plus possible le coût des matériaux. Aujourd’hui, c’est la rapidité de conception qui prime afin de conserver une longueur d’avance sur ses concurrents. Un projet se doit d’être développé en trois à quatre mois. Cette volonté de réduire la durée des cycles de conception, associée au gigantesque intérêt suscité par l'IoT, implique que le processus de développement et de fabrication des cartes électroniques devient à la fois plus rapide et plus compliqué.

Face à cela, la définition des responsabilités des ingénieurs en électronique doit évoluer. L’implantation des circuits imprimés, par exemple, sera directement de leur ressort au lieu d’être confiée à un spécialiste. Selon une étude réalisée par Altium, 79% des ingénieurs interrogés ont déclaré être d’ores et déjà chargés de l’implantation des PCB. Plus globalement, les ingénieurs en électronique vont devoir disposer de plus de compétences. L’implantation en elle-même devient secondaire ; il s’agit davantage de maîtriser les aspects techniques. Prenons l’exemple des champs magnétiques. Il y a 15 ou 20 ans, on ne s’y intéressait pas vraiment alors qu'aujourd’hui il est impératif de les prendre en compte, et avec sérieux. Quel type de blindage adopter ? Y a-t-il des risques d’interférences ? Tous ces aspects font désormais davantage partie du périmètre de l’ingénieur que de celui du concepteur.

Parallèlement, l’ingénieur va acquérir une plus grande influence. En effet, l’accent mis sur la rapidité de la conception entraîne un changement dans la prise de décision : autrefois prérogative des cadres dirigeants, elle devient aujourd’hui celle des ingénieurs. Dans cette perspective, de nombreux outils et systèmes reposent encore sur un modèle de conception centré sur le coût avec une organisation de type descendant (top-down), du top management vers le bas. Au contraire, une approche de type ascendant, ou bottom-up, donne aux ingénieurs un avantage non négligeable.

Bien sûr, exercer cette influence nécessite de s’impliquer dans davantage d’étapes de la création que par le passé, ce qui peut se révéler difficile lorsqu’un projet nécessite de faire appel à des équipes éclatées : collaborateurs éloignés géographiquement ou partenaires externes.

La communication intra et inter-équipes, facteur de succès

Les ingénieurs en électronique se doivent donc d’intervenir tout au long du processus de conception, non seulement au niveau de la conception numérique, mais aussi au niveau de la fabrication elle-même. Mais dans la plupart des cas, ils n’ont pas la formation nécessaire pour tout prendre en charge. C’est pourquoi l’ingénieur en électronique d’aujourd’hui a besoin d’une communication ininterrompue avec ses équipes et doit travailler plus directement avec les ingénieurs en mécanique. Un exemple concret : en règle générale, lorsque les ingénieurs en électronique envoient leur schéma d’implantation au fabricant, ils s’attendent à devoir effectuer quelques allers-retours à cause de soucis de conception, pouvant parfois les amener à revoir complètement leur projet avant de le renvoyer en fabrication. Cette situation n’est pas nouvelle, mais maintenant qu’ils sont contraints de privilégier la rapidité, les ingénieurs en électronique cherchent des moyens pour limiter ces allers-retours.

Autrefois, les concepteurs avaient une compréhension plutôt bonne de ce qui était possible ou pas en matière de fabrication, et ils effectuaient leurs choix de conception en fonction de ces possibilités. Une approche appelée DFM, pour Design for Manufacturing. Aujourd’hui, les fabricants emploient quasiment tous des ingénieurs d’application pour communiquer avec les ingénieurs en électronique. Mais pour des raisons d’échelle assez logiques, ces ingénieurs d’application n’interviennent dans le processus de conception que pour les plus gros de leurs clients. Pour les autres, ils se bornent plutôt à réviser les conceptions et à les renvoyer si nécessaire en pointant les erreurs ou en indiquant les choses qui doivent être revues. Par ailleurs, comme une grande partie des usines sont délocalisées à l’étranger, à Shenzhen en Chine par exemple, la distance (physique et culturelle) entre fabricants et concepteurs devient très forte. La solution ? Amener le fabricant à intervenir dès le stade de la conception. C’est-à-dire passer du “Design-for-Manufacturing” au ”Design-with-Manufacturer”.

Le travail collaboratif, un rôle clé

Une communication plus étroite à toutes les étapes du processus de conception est donc primordiale pour améliorer l’efficacité d’un projet. Pour certains, cette amélioration doit passer par l’évolution des échanges entre ingénieurs. Pour d’autres, cela peut signifier établir des relations plus étroites avec les fabricants. Pour moi, le cloud computing sera un facteur clef pour une communication efficace à tous les niveaux, depuis la conception jusqu’à la fabrication. Notre industrie se doit d’adopter plus largement le cloud, comme l’ont déjà fait des secteurs tels que la santé, la banque, les assurances….

Le cloud est en mesure non seulement de simplifier l’expérience de conception et de développement mais aussi de faciliter l’accès ainsi que l’intégration et l’analyse des données Cette méthode de travail permet aussi de mettre en place un flux de travail mieux organisé et d’obtenir les résultats escomptés. Le cloud va également conduire au développement d’outils de conception plus intuitifs et faciles à utiliser tout en simplifiant la gestion des systèmes informatiques. En résumé, le cloud va accélérer la productivité et les innovations de la conception électronique, et conduire à une complète transformation de cette industrie.