"Les vaches connectées... ou comment ne pas concevoir des produits IoT qui vont échouer"

L'Embarqué Opinion

[TRIBUNE de Cheryl Ajluni, KEYSIGHT] Personne n'envisage de construire un produit pour l’Internet des objets qui échouera… Mais cela arrive. Et les histoires de pannes de dispositifs IoT abondent. Lorsque cette défaillance est ponctuelle, l'impact sur la marque d'une entreprise et ses résultats financiers peut être minime. Mais lorsque ces produits IoT sont installés dans des environnements difficiles, c’est une tout autre histoire. L’avenir de l’entreprise peut être en jeu. Cheryl Ajluni, responsable des solutions IoT chez Keysight Technologies, décrit cinq facteurs clés qui peuvent faire échouer les dispositifs IoT dans le monde réel et donne quelques conseils sur la façon d’éviter les pièges en s’appuyant sur un exemple concret en agriculture : les vaches connectées....

Le développement de l'IoT prend de l’ampleur et les dispositifs IoT trouvent aujourd’hui leur chemin au coeur d'applications déployées dans des endroits difficiles d'accès. L'agriculture connectée en est un exemple parfait, avec des capteurs IoT maintenant mis en œuvre dans une gamme d'applications conçues pour rendre la production agricole plus efficace et durable. Ces capteurs sont utilisés par exemple pour suivre les niveaux d'humidité dans le sol, analyser le développement des mauvaises herbes, aider à l'éclosion des œufs de poule, et même surveiller la santé des vaches. Dans cette dernière application, les vaches “connectées” ont un dispositif IoT implanté à plusieurs endroits sous la peau (via une intervention chirurgicale mineure avec anesthésie), utilisé pour suivre 24 heures sur 24 leur comportement et certains de leurs paramètres physiologiques comme leur température, indicateur de maladie. Ces capteurs une fois opérationnels, on s'attend à ce qu’ils fonctionnent sans faille pendant au moins trois ans.

Cela semble à première vue assez simple, mais comme les capteurs sont situés à l'intérieur de la vache, il n'est pas facile d'y accéder en cas de problème. De plus, le poids des vaches et leur habitude de se frotter continuellement contre des objets posent un autre problème. Que se passe-t-il lorsqu'une vache adulte, pesant plus de 800 kg, décide de frotter une partie de son corps à l'endroit où se trouve un capteur ? Le capteur sera-t-il endommagé ? Il s'agit là de questions simples, mais qui permettent de faire la distinction entre les dispositifs IoT qui sont un succès et ceux qui échouent. Car les produits IoT réussis sont intentionnellement conçus pour ne pas échouer - pas seulement en laboratoire dans des conditions d'essai idéales, mais dans le monde réel où de nombreux facteurs combinés peuvent les faire échouer. A ce niveau on peut dégager cinq facteurs clés qui peuvent faire échouer les dispositifs IoT dans le monde réel et quelques conseils sur la façon d’éviter les pièges .

1 - Congestion et problèmes de charge

A partir du moment où un nouveau dispositif IoT est mis sous tension, il peut y avoir des centaines d'autres appareils IoT dans son voisinage direct. Sur une seule ferme connectée, il peut ainsi coexister un troupeau de bovins (chacun avec de multiples capteurs IoT implantés), des capteurs pour mesurer les variables du sol, des plantes et de l'environnement, des capteurs pour la surveillance à distance des animaux, des robots et des drones d’agriculture... sans parler des dispositifs IoT que l'agriculteur pourrait porter sur lui. La congestion peut entraver la capacité des appareils à fonctionner normalement. Une augmentation massive du trafic réseau a un effet similaire, forçant l'appareil IoT à retransmettre continuellement des données. Sa batterie peut s'épuiser plus rapidement que prévu, ou il peut tomber en panne.

Pour éviter ces défaillances, les fabricants de produits devraient tester la capacité de leurs dispositifs IoT à fonctionner normalement avec une charge de trafic comparable à celle attendue dans l'environnement cible. Ce test devrait également être effectué tout en simulant différents types de trafic comme le streaming vidéo ou la voix.

2 - Interférences

Les déploiements denses de dispositifs IoT, avec de nombreux dispositifs fonctionnant sur les mêmes bandes de fréquence encombrées - comme c'est possible dans une grande exploitation agricole -, augmentent considérablement la probabilité d'interférences entre les dispositifs. Beaucoup de ces appareils ne peuvent pas se détecter les uns les autres, et encore moins partager les ondes en coopération, forçant certains à se comporter de manière inattendue.

Pour éviter ces problèmes, les tests de coexistence sont essentiels. Ils peuvent aider les fabricants de produits à déterminer la tolérance d'un appareil à d'autres signaux radio et à s'assurer qu'un certain niveau de fonctionnement est possible, malgré le fait qu'il fonctionne en présence d'autres protocoles radio. Les dispositifs IoT devraient également être mis au défi de voir s'ils peuvent faire face aux nombreuses amplitudes, débits de données et protocoles qu'ils rencontreront probablement dans le monde réel.

3 - Difficultés d'itinérance

Les dispositifs sans fil IoT se déplacent souvent d'un endroit à l'autre. Cela peut être problématique s'ils n'ont pas été conçus avec des algorithmes d’itinérance robustes pour minimiser les délais de transition et éviter les pannes. Une panne de quelques secondes seulement peut entraîner une perte de données précieuses. La congestion et les interférences ont un impact prépondérant sur le bon fonctionnement des algorithmes d'itinérance, rendant les tests dans des conditions réelles de réseau essentiels pour prévenir une défaillance d'un dispositif. Même dans le scénario de la ferme connectée, l'implantation d'un dispositif IoT dans une vache n'a de sens que si ce dispositif peut fournir en permanence des données auxquelles un agriculteur peut accéder.

Tester le comportement des dispositifs IoT lors des transitions d'itinérance dans une variété de conditions difficiles est un moyen de prévenir cet échec. Il est également conseillé de simuler l'antenne de l'appareil pour s'assurer qu'elle peut gérer l'itinérance, tout en faisant face au volume et au mélange de trafic que l'on trouve dans le monde réel.

4 - Interopérabilité avec l'infrastructure réseau

Un jour, un dispositif IoT peut se comporter comme prévu, et le lendemain fonctionner de façon instable ou tomber en panne. Il y a de fortes chances que le problème ne soit pas l'appareil, mais plutôt le résultat de la mise à jour du firmware par l'utilisateur sur ses points d'accès sans fil. Un léger changement dans l'infrastructure réseau transforme un dispositif IoT en parfait état de fonctionnement, comme un capteur implanté dans une vache, en un dispositif qui n'est pas reconnu par l'environnement cible.

Heureusement, une suite de tests de conformité de protocole peut fournir une défense efficace contre ce type de défaillance, en supposant qu'elle teste toutes les fonctions définies par le protocole sans fil utilisé par l'appareil, et pas seulement un petit sous-ensemble.

5 - Résistance aux attaques

Tout dispositif IoT, comme une montre connectée, un dispositif de surveillance médicale... peut potentiellement être piraté et être vulnérable aux attaques, même s'il est déployé dans une vache. Parfois, les pirates informatiques cherchent à accéder aux données collectées. Autrement, ils cherchent une porte dérobée afin d'exploiter le manque de sécurité de l'appareil pour accéder à un réseau. C'est ce qui peut se produire lorsqu'un appareil est en itinérance et subit des interférences. Cette interférence peut perturber l'appareil et le faire entrer en état de défaut, ce qui entraîne de longs délais de connexion et le rend temporairement vulnérable au piratage.

Ici, l'utilisation d'une suite de tests avec la possibilité de simuler le comportement en itinérance dans un environnement RF encombré est un moyen d'éviter ce scénario.