[TRIBUNE] Afin d’apporter un éclairage sur les protocoles radio utilisés dans l’Internet des objets industriel (RFID, 3G/4G, LPWAN, etc.), les capacités des différentes technologies sont analysées par trois PDG de sociétés fortement impliquées sur ce marché : Pierre Bonzom, PDG d’ELA Innovation, spécialiste des protocoles radio moyenne portée à très faible consommation (réseaux propriétaires, RFID active, Bluetooth Low Energy), Frédéric Salles, PDG de Matooma, spécialiste des protocoles de communication opérés en haut débit fondés sur les technologies GSM, GPRS, 3G, 4G, LTE-M et 5G, et Olivier Guilbaud, PDG d’Ineo-Sense, spécialiste des protocoles de communication bas débit à très longue portée (LPWAN LoRa, Sigfox). ...
Première partie : portée - consommation – débit
Deuxième partie : réactivité et coût (produit + exploitation)
Il existe parfois un besoin de connectivité en temps réel pour l’Internet des objets industriel. Toutes les solutions réseau peuvent-elles l’assurer ?
PIERRE BONZOM (photo ci-contre) La plupart des objets connectés bâtis sur une brique technologique radio courte portée fonctionnent sur un principe de balise d’émission, émettant à un cycle préprogrammé, avec le retour d’un accusé de réception éventuel. La réactivité d’une solution basée sur ces technologies est donc directement liée à la période de ce cycle de balise. En général, elle varie entre 1 et 10 s pour une autonomie de 5 à 20 ans sans changement de pile.
FREDERIC SALLES Les technologies GSM permettent de transmettre des données en temps réel : un réel atout pour ce réseau cellulaire qui permet, dans les domaines de la téléassistance et de la sécurité notamment, d’envoyer directement une alerte au destinataire concerné en cas de problème (intrusion sur un site industriel, chute d’une personne âgée, problème détecté sur un travailleur isolé…). La vitesse de transmission est fonction de la latence du réseau. Plus élevée en 2G et plus faible en 3G / 4G mais invisible par l’être humain.
OLIVIER GUILBAUD La réactivité au travers d’un réseau LPWAN opéré est relativement faible, de l’ordre de quelques minutes, en raison de la limitation réglementaire des périodes de transmission. En complément, les capteurs doivent privilégier le partage du médium radio pour favoriser la coexistence plutôt que l’instantanéité des transmissions. Ce type de réseau ne permet de faire de la voie descendante (downlink) qu’après une transmission du capteur, ce qui prive de la possibilité de faire de l’interrogation du capteur à la demande. Sur des réseaux privés on peut imaginer des stratégies de communication plus réactives avec des transmissions plus en liaison avec les événements temps réel (<30 s) et prévoir aussi une exploitation bidirectionnelle des communications. Dans tous les cas, pour pallier ce manque de réactivité, une stratégie d’horodatage des événements sur le capteur doit être mise en place afin de dater précisément les événements après transmission. Dans le cadre d’un arbitrage budgétaire, les deux paramètres clés pour l’exploitation d'un système IIoT sont le prix du produit et le prix d’utilisation à travers le réseau radio choisi.
Pouvez-vous expliciter d’abord votre point de vue sur le prix du produit ?
PIERRE BONZOM Il existe une grande variation de prix entre un objet connecté destiné à un usage grand public et un objet connecté destiné à un usage industriel. Ce dernier devant répondre à des exigences élevées de qualité dans le temps, de performance et d’autonomie. Les fourchettes de prix sont données ici dans le contexte d’un marché B2B industriel. Sur des marchés à volumétrie moyenne (quelques milliers de pièces), le prix d’un objet connecté varie d’une dizaine d’euros pièce à environ 50 €. Le prix du ou des capteurs embarqués a un impact important sur ce prix, justifiant que certains objets connectés atteignent 100 € pour les plus chers.
FREDERIC SALLES (photo ci-contre) Nous constatons que 90 % des objets connectés le sont en 2G car ils nécessitent peu de débit et surtout le prix des modems 2G est moins élevé que le prix des modems 3G/4G. Toutefois, il est conseillé de surveiller les annonces des opérateurs sur la pérennité de la licence 2G qui pourrait, à terme, ne plus être renouvelée pour des raisons de coût de maintenance des réseaux. Un traqueur GPS portatif communiquant par carte SIM coûte par exemple entre 50 et 60 euros.
OLIVIER GUILBAUD En prenant en compte les prix des technologies actuelles et l’ampleur des déploiements de quelques dizaines de milliers de produits, un capteur raccordé aux réseaux LPWAN coûte entre 25 et 50 euros. Les perspectives de prix des technologies radio indiquent un potentiel de baisse significatif de la partie électronique ; il semble toutefois que, compte tenu des contraintes d’exploitation des marchés industriels imposant fiabilité, longévité et robustesse, le prix du capteur complet ne puisse pas, à court terme, descendre sous un seuil de 15 euros.
Et qu’en est-il du coût d’exploitation ?
PIERRE BONZOM Les systèmes à courte portée fonctionnent localement par la pose d’antennes et de passerelles privées. Ces technologies ne génèrent donc pas de coût d’exploitation ni d’abonnement. Le modèle économique de ces objets connectés est donc habituellement celui de la vente simple.
FREDERIC SALLES Il y a énormément d’objets connectés en technologies 2G/3G/4G. Le prix est fonction de l’usage. Le coût de la transmission données multi-opérateur s‘établit à 0,0005 euros HT par Ko (soit 0,50 euros HT par Mo) par mois (soit 6 euros HT/an). Ce coût étant le même dans tous les pays européens.
OLIVIER GUILBAUD (photo ci-contre) Les opérateurs de réseaux LPWAN proposent actuellement la possibilité de collecter les données au travers de leurs infrastructures pour un coût compris entre 6 et 8 euros par an, celui-ci dépendant du nombre de capteurs et du type d’abonnement souscrit (engagement de durée, nombre d’équipements, fréquence des transmissions). Les perspectives de baisse sont là et il est envisageable d’obtenir des prix qui seront de quelques euros à l’année d’ici à 2 ou 3 ans. En complément, la communication downlink est actuellement associée à un coût de 3 à 5 centimes par message, ce qui rend cet usage assez restrictif.
Troisième partie : maturité, interopérabilité et sécurité