La Commission européenne se donne jusqu’au 15 mars 2022 pour statuer sur le rachat d’Arm par Nvidia

Nvidia-Arm

Annoncé en septembre 2020, le rachat de la société britannique Arm, toujours propriété du groupe japonais de télécommunications SoftBank, par la société américaine Nvidia est encore loin d’être acté. La Commission européenne vient d’ouvrir une enquête approfondie ...afin d’examiner ce projet d’acquisition au regard du règlement de l’Union européenne sur les concentrations.

Selon le communiqué publié hier 27 octobre 2021, la Commission « craint que l’entité issue de la concentration soit en mesure de, et soit incitée à, restreindre l’accès des concurrents de Nvidia à la technologie d’Arm, et que le projet de rachat entraîne une hausse des prix, une diminution du choix et une réduction de l’innovation dans le secteur des semi-conducteurs ». « Même si Arm et Nvidia ne sont pas en concurrence directe, la propriété intellectuelle d'Arm est présente de façon importante dans les produits concurrents de ceux de Nvidia, par exemple dans les centres de données, l'automobile et l'internet des objets, précise Margrethe Vestager, vice-président exécutive chargée de la politique de la concurrence. Notre analyse montre que l'acquisition d'Arm par Nvidia pourrait entraîner une restriction ou une dégradation de l'accès à l’IP d'Arm, ce qui aurait des effets de distorsion sur de nombreux marchés où les semi-conducteurs sont utilisés. Notre enquête vise à garantir que les entreprises exerçant leurs activités en Europe continuent d'avoir un accès effectif aux technologies nécessaires pour fabriquer des produits semi-conducteurs à la pointe du progrès à des prix concurrentiels. »

De fait, en acquérant Arm, Nvidia aurait le contrôle absolu sur les activités technologiques et la politique de licence de la société britannique, ce qui, indique la Commission européenne, pourrait conduire potentiellement à des stratégies de verrouillage susceptibles de réduire la concurrence sur le marché des processeurs et puces-systèmes SoC dans divers domaines d’application. Sont nommément cités les processeurs pour centres de données, les contrôleurs d’interface de réseau intelligents (SmartNIC), les semi-conducteurs pour systèmes d’aide à la conduite avancés (ADAS) et pour applications d’infodivertissement embarquées dans les automobiles, ainsi que les puces-systèmes pour appareils IoT à hautes performances, les consoles de jeux ou les PC universels.

La Commission va en outre examiner si l’opération pourrait freiner l’innovation du fait que les preneurs de licences d’Arm pourraient être réticents à continuer de partager des informations commercialement sensibles avec l’entité issue de la concentration parce qu’ils sont en concurrence avec Nvidia. Est également en ligne de mire le possible recentrage des dépenses en recherche et développement d’Arm sur les produits les plus rentables pour Nvidia en aval, au détriment des acteurs qui dépendent fortement de certaines IP dans d’autres domaines. (On pensera ici aux fabricants de microcontrôleurs, domaine dont est aujourd’hui absent Nvidia, et notamment à l’allemand Infineon, au franco-italien STMicroelectronics et au néerlandais NXP.)

La Commission européenne note que Nvidia a présenté le 6 octobre dernier des engagements visant à remédier à certains de ces problèmes, mais elle a estimé que ces engagements étaient insuffisants pour dissiper « ses doutes sérieux quant aux effets de l’opération ». La Commission dispose à présent de 90 jours ouvrables, soit jusqu'au 15 mars 2022, pour prendre une décision.