[TRIBUNE de Thomas Cardon, BLACKBERRY QNX] Les experts du secteur le savent : l’heure est à la digitalisation et à l’électrification de l’automobile. Pour suivre le rythme et conserver leur avantage dans ce secteur particulièrement concurrentiel, les constructeurs s’unissent désormais autour du concept de « véhicule défini par logiciel ». Mais ces transformations radicales du marché ne sont pas sans apporter, avec elles, de nouveaux enjeux. Pour y répondre, assure Thomas Cardon, responsable de l'activité automobile pour l’Europe du Sud de BlackBerry QNX, équipementiers et constructeurs doivent d’être ingénieux et réactifs, au risque de laisser filer de précieuses parts de marché potentielles.
Au même titre que leurs cousins, les dispositifs IoT, les véhicules produisent de plus en plus de données. En découle alors naturellement la problématique de leur gestion et de leur stockage, qui s’avère parfois relever du casse-tête pour les équipementiers et les constructeurs. Pour éviter que le torrent de données ne se déverse et que les coûts n’explosent, une migration contrôlée, un système de stockage cloud efficient et surtout une bonne utilisation s’avèrent être des éléments clés.
En attendant que les constructeurs puissent être en mesure de répondre à ces challenges, beaucoup s’appuient sur des modèles dits de machine learning afin d’extraire des données de manière dynamique à des moments clés – étape majeure pour les acteurs de l’industrie. Grâce à cela, chaque véhicule pourra - à terme - être en mesure d’envoyer des informations en continu dans le cloud.
Un déluge de nouvelles données à sécuriser
Alors qu’une nouvelle voiture contient en moyenne plus de 100 millions de lignes de code (et certains des logiciels les plus complexes jamais déployés par les constructeurs automobiles), il est indispensable d’avoir une vue globale de l’état de fonctionnement et de la sécurité du logiciel embarqué tout au long de son cycle de vie.
Même si les solutions unifiées de gestion des endpoints (UEM) (1) ont été longtemps destinées aux entreprises, les particuliers, les constructeurs ou encore les gérants de parcs automobiles sont devenus les nouveaux utilisateurs de ce type de solutions holistiques. Particulièrement utiles, elles leur permettent d’ailleurs de répondre aux objectifs de performances (bon fonctionnement du véhicule) et de sécurité des endpoints.
Pour proposer une expérience de conduite unique et maintenir un niveau de sécurité de premier ordre, les constructeurs automobiles chercheront toujours à pouvoir identifier les véhicules, les conducteurs ou les passagers. Une approche basée sur le Zero Trust et sur l’authentification biométrique ou multi-facteurs semble alors être prometteuse. Dans l’optique d’un accroissement des interactions entre les différents dispositifs – IoT et véhicules par exemple – il y a fort à parier que les autorités de réglementation s’intéresseront également à ce sujet. Et pour cause, l’amélioration de la connectivité et de l'expérience utilisateur au sein des véhicules exposent de nouvelles informations attractives, ouvrent de nouvelles portes, et étendent la surface d’attaque potentiellement exploitable par les acteurs malveillants.
La révolution technologique est en marche
Les gérants de flotte automobile cherchent toujours à réduire les coûts. Dans cette optique, beaucoup passent par l’électrification, qui génère un coût total d'exploitation moins important grâce à des avantages tarifaires pour le carburant et la maintenance. Mais le plus intéressant est de savoir dans quelle mesure ce changement affectera l’utilisation des données.
De manière générale, les données générées par les véhicules permettent non seulement de s’assurer de son bon fonctionnement (autonomie, trajet, recharge), mais fournissent également un portrait exhaustif du conducteur et de son comportement au volant. Grâce à ces informations, les gestionnaires de flotte seront en mesure d’adapter leurs activités et d’améliorer substantiellement leur productivité.
Pour aller plus loin et selon certains experts, la peak car (2) serait derrière nous. Avec la tendance à la mobilité partagée (covoiturage, passage à l’électrique, etc.), l’utilisation individuelle des véhicules est en net recul. Reste encore à régler le problème des véhicules qui restent stationnés – autrement dits inutilisés. En révolutionnant le cycle de vie des véhicules et en faisant en sorte d’optimiser leur utilisation, les constructeurs pourraient prendre un nouveau tournant dans le secteur de l’automobile.
Avec l’arrivée de nouvelles technologies et de nouveaux usages, les constructeurs s’adaptent et intègrent ce nouveau paradigme lors du développement du véhicule, non seulement pour les rendre plus attractifs mais également pour leur permettre d’ouvrir de nouvelles perspectives sur un marché particulièrement concurrentiel.
Le véhicule défini par logiciel, l’indétrônable à sécuriser
En 2022, l’ascension du « véhicule défini par logiciel » se poursuit. Désormais, la valeur des véhicules ne se résume plus seulement à ses pièces mécaniques, mais elle est également déterminée par les dispositifs et logiciels qui les composent. Le logiciel et les services connectés sont rapidement devenus le facteur différentiateur clé pour les équipementiers et constructeurs automobiles. D’ailleurs, selon une récente étude (3), on estime que d’ici à 2030 l’électronique et le logiciel représenteront 50% des coûts associés aux véhicules, contre seulement environ 30% aujourd’hui. En parallèle les opportunités de marché en termes de logiciel embarqué dans les véhicules autonomes devraient passer de moins d'un milliard à 25 milliards de dollars d’ici 2030.
La personnalisation des véhicules est une des fonctionnalités particulièrement attendues par les conducteurs et les passagers. Pour les constructeurs, il s’agit de rendre les véhicules configurables par nature et adaptables aux besoins et desiderata de leurs propriétaires. Tout comme l’industrie des smartphones – qui a restreint le nombre de systèmes d’exploitation à deux possibilités – le secteur automobile va converger vers une plateforme logicielle commune. Les outsiders n’auront d’autre choix que de suivre le mouvement au risque de perdre des parts de marché.
En plus de s’inscrire dans l’air du temps, cette nouvelle approche répondra aux nouvelles normes d’architecture automobile et permettra aux nouveaux acteurs de tirer parti d’un environnement logiciel convergent et normalisé par la même occasion. Grâce à un logiciel éprouvé, fiable, sûr et dédié à la sécurisation de l’ensemble des dispositifs et des données du véhicule, les constructeurs pourront continuer à proposer à leurs clients un produit sûr et différenciant.
Les véhicules connectés : de nouvelles cibles attrayantes pour les hackers
Alors que les technologies automobiles les ont transformés en véritables dispositifs ultraconnectés, les véhicules autonomes connectés (VAC) font désormais partie de la liste des cibles des hackers. Pour lutter contre le fléau des cybermenaces, il est indispensable de prendre le problème à la racine en établissant dès la conception du véhicule des étapes et processus de sécurisation. Aussi appelée Defense in Depth par la NSA, cette approche vise à utiliser plusieurs couches de sécurité pour se protéger des potentielles attaques.
En raison même du nombre de connexions que les véhicules électriques utilisent (stations de recharge à domicile ou publiques, systèmes d’infodivertissement connectés, GPS communiquant avec des sources externes de données, etc.), rien n’est plus important que d’assurer la (cyber)sécurité du véhicule et celle de son propriétaire. De façon évidente, les acteurs malveillants attaquent là où ils trouvent une brèche de sécurité. Si certains gouvernements envisagent un déploiement massif et rapide de véhicules électriques, cela ne peut avoir lieu qu’à la condition que des mesures fermes dédiées à la sécurité des véhicules, des infrastructures et des citoyens soient établies. Sans cette base, les risquent ne pourront aller qu’en se multipliant à mesure que les technologies connectées se développent.
Finalement, le marché de l’automobile n’a pas été exempt de l’adoption des nouvelles technologies. Plus connectés et interactifs que jamais, les nouveaux véhicules (qu’ils soient électriques, thermiques ou encore autonomes) amènent avec eux bon nombre de nouveaux défis en matière de gestion des données, de sécurité ou encore de sûreté. Le logiciel aura également toute sa place dans cette nouvelle ère, logiciel dont les constructeurs doivent gérer la conception de bout en bout pour éviter de laisser derrière eux, et malgré eux, des portes dérobées pouvant être utilisées par des hackers pour nuire aux véhicules, à leurs conducteurs, et plus largement aux citoyens.
(1) Unified Endpoint Management
(2) Le pic automobile est une hypothèse selon laquelle la distance parcourue par les véhicules à moteur par habitant, principalement en voiture privée, a atteint un sommet et diminuera désormais de manière soutenue
(3) Selon Lux Research