En glissant une technologie de réseau de neurones sur des cartes industrielles insérées dans des châssis de National Instruments, Cogito Instruments apporte une approche novatrice aux applications de surveillance de machines d’inspection, de gestion de robots... et propose de manière naturelle l'apprentissage automatique au plus près des machines. Une voie vers la démocratisation de la maintenance prédictive et, de manière plus large, de l'intelligence artificielle dans les usines. ...
Le vaste mouvement de l'Industrie 4.0 ou de l'Industrie du futur, qui vise réorganiser les moyens de production en s’appuyant notamment sur les technologies de l’Internet des objets, libère les initiatives technologiques pour y parvenir. Parmi elles, le concept d’intelligence artificielle et ses corollaires comme l’apprentissage automatique ont un avenir certain dans le cadre de l'amélioration de la productivité des unités de fabrication : machines d’inspection, surveillance de machines… Avec à la clé des approches de type maintenance prédictive, aide à l’autonomisation de robots collaboratifs, etc. Autant de domaines où les notions d’apprentissage, d’intelligence artificielle, prennent tout leur sens. Reste à mettre en musique concrètement cette évolution. C’est ce à quoi s’attache la jeune société Cogito Instruments, basée à Genève et fondée par Philippe Lambinet. Avec l’idée de placer la notion d’apprentissage automatique, reposant sur la mise en œuvre d’une technologie de réseau de neurones, au plus près des machines.
Philippe Lambinet, fondateur de Cogito Instruments
« Aujourd’hui, la plupart des applications d’apprentissage automatique se fondent sur l’utilisation d’algorithmes de réseau de neurones installés dans le cloud, explique Philippe Lambinet. C’est la notion de deep learning. Or avec Cogito nous nous attachons à réaliser du machine learning, de l’apprentissage automatique, autrement dit les phases d’apprentissage et d’exécution se font en ligne, en local, en temps réle et intègrent les connaissances des opérateurs. »
Une origine à rechercher du côté de NeuroMem
Au coeur de cette approche se trouve une technologie de réseau de neurones (de type RBS, Radial Basis Function ou réseau à fonction de base radiale) embarquée dans un circuit spécifique (Asic) et dont les racines sont à chercher au sein de la société américaine NeuroMem, dont Philippe Lambinet a été le CEO. NeuroMem, dont les fondements technologiques sont liés à des travaux menés en France chez IBM dans les années 90, puis au sein de la société américaine General Vision, est le concepteur d’un processeur neuronal, le circuit CM1K. Celui-ci se compose d’une chaîne de 1 024 neurones identiques qui fonctionnent en parallèle mais sont connectés ensemble pour prendre des décisions globales. Chaque neurone est couplé à 256 octets de SRam avec une logique programmable associée pour comparer un motif entrant avec un motif de référence maintenu en mémoire et le “trier” selon la similarité observée. Dans cette approche, collectivement, les neurones se comportent comme un classificateur de plus proches voisins.
Au sein d'un écosystème fort
La force et l’originalité de Cogito est d’avoir implanté cette technologie dans un écosystème industriel puissant, doté d’une base installée forte : celui de National Instruments. Concrètement, le circuit neuronal de Cogito est implanté sur une carte insérée dans des châssis CompactRIO de NI, dans lesquels on trouve - au niveau des cartes processeurs - la présence d’un FPGA, architecture complémentaire qui a la possibilité de prétraiter les données avant de les envoyer au réseau de neurones lui-même. C’est à travers le FPGA qu’un traitement de signal sur les données acquises (issues d’une machine, d’un robot…) est réalisé, pour en extraire des caractéristiques qui seront par la suite envoyées au réseau de neurones sous la forme de patterns ou vecteurs spécifiques.
« En créant Cogito, notre priorité était de développer des systèmes et des sous-systèmes autour de la technologie de NeuroMem pour apporter la valeur de l’approche neuronale directement dans le monde industriel, explique Philippe Lambinet. Si l’on est capable de montrer que cette technologie novatrice résout des problèmes industriels concrets, alors elle va se diffuser naturellement et plus facilement qu’à travers un “simple” circuit. Au fond, le problème sous-jacent était de mettre un réseau de neurones sur une carte à faible encombrement et à faible consommation. C’est ce que nous avons réalisé en nous insérant dans l’écosystème de National Instruments. »
Un des intérêts de cette approche est que, par exemple, la partie génération de vecteurs ou de patterns est réalisée de manière transparente via le logiciel LabView de National Instruments. Parallèlement l’interface logicielle développée par Cogito permet aux utilisateurs de prendre en main de manière intuitive leur application, qui intègre la notion d’apprentissage automatique.
Des temps de réponse stables et rapides
« Par rapport à des architectures fondées sur l’utilisation de processeurs puissants comme des GPU, la technologie à fort parallélisme de Cogito permet d’éviter des temps de prise en main de la technologie trop longs et surtout elle assure des temps de réponse stables et rapides, quel que soit le nombre de patterns à traiter, assure Philippe Lambinet. Alors que les architectures séquentielles finissent par délivrer des temps de réponse de plus en plus longs lorsque le nombre de patterns à traiter augmente significativement. Au-delà, notre carte neuronale pour les châssis CompactRIO affiche une consommation maximale de 1 W pour une puissance de calcul de 25 gigaopérations/seconde, sans modification notable lors d’une montée en charge du nombre de patterns à traiter. »
Des performances qui permettent par exemple d’insérer les résultats issus de la technologie de Cogito dans une boucle d’asservissement, sans risque de la rendre instable.
Le modèle économique choisi par Cogito est de commercialiser des cartes neuronales au sein de l’écosystème de National Instruments, avec les outils de développement associés et la formation adaptée aux besoins des équipes qui adoptent cette technologie. La société, qui compte six personnes à l’heure actuelle, souhaite se développer rapidement sur ce créneau jugé porteur de l’apprentissage automatique dans les installations industrielles, avec en arrière-plan la montée en puissance de la notion de maintenance dite prédictive. Elle vient à cet effet de se lancer dans une opération de levée de fonds pour 2018.