Pour Mike Salas, vice-président marketing et stratégie de la société de semi-conducteurs fabless Ambiq Micro, la loi de Moore n’est pas morte. Mais le choix d’un processeur optimisé pour les besoins des objets connectés et des dispositifs portés sur soi nécessite de savoir aller au-delà ce bon vieux Moore. Explications. ...
On parle beaucoup de ralentissement de la loi de Moore, l’une des constantes fondamentales de l’industrie des semi-conducteurs. Quelle est votre perception de ce phénomène ?
MIKE SALAS C’est vrai que ce sujet est souvent évoqué dans la littérature. Et pourtant TSMC, la société de fonderie de semi-conducteurs indépendante la plus importante au monde, a procédé à de multiples annonces récentes qui donnent quelques indications quant aux progrès incessants des technologies de gravure qui vont pousser à la création de processeurs à basse consommation dont les premiers bénéficiaires vont être le marché de l’Internet des objets et celui des dispositifs portés sur soi. A titre d’exemple, lors des symposiums technologiques que TSMC a organisés en mai dernier aux Etats-Unis, la firme taiwanaise a mentionné son procédé de gravure FinFET C en 16 mm (16FFC).
Une technologie « compacte » dont TSMC affirme qu’elle a non seulement des avantages en performances et en surface de silicium mais, aussi, de manière plus cruciale, en consommation énergétique. Ce procédé de gravure cible les applications de l’Internet des objets ultrasobres telles que les dispositifs portés sur soi, les terminaux mobiles et les appareils d’électronique grand public. Dans le même temps, au nœud technologique 28 nm, le procédé 28HPC garantit une réduction de la consommation de 30% par rapport aux offres précédentes de TSMC, tandis qu’une version 28HPC+ encore plus avancée est présentée comme capable de réduire les courants de fuite de 30% à 50%...
L’Internet des objets et les dispositifs portés sur soi apparaissent donc comme des marchés particulièrement moteurs pour les fondeurs ?
MIKE SALAS Selon la société d’études IHS, les ventes de dispositifs électroniques portés sur soi ont atteint 8,5 milliards de dollars en 2012 pour 96 millions d’appareils vendus. D’ici à 2019, IHS prévoit 230 millions d’unités commercialisées pour un CA de l’ordre de 32 milliards de dollars ! Cette prévision est partagée, semble-t-il, par le président et co-CEO de TSMC CC Wei qui envisage l’Internet des objets comme le prochain levier de croissance de l’industrie des semi-conducteurs. Wei a ainsi prédit que l’on pourrait trouver plus de 500 appareils intelligents dans un foyer d’ici à 2020 et que le marché des circuits intégrés pour le marché de la santé serait valorisé à 6,8 milliards de dollars en sortie d’usine en 2017. Parallèlement, TSMC a indiqué que son nœud technologique de gravure à 10 nm serait prêt pour des productions « à risque » avant la fin de l’année. En fait, BJ Woo, sa vice-présidente en charge du business development, n’hésite pas à affirmer que TSMC est, en réalité, en avance sur la loi de Moore. « En termes de réduction d’échelle, nous avons été beaucoup plus agressifs au niveau 10 nm que ce qu’exige la loi de Moore », a-t-elle précisé. De fait, la taille d’une cellule mémoire SRam est de 50% plus petite que ce qui était faisable à 16 nm. Tout cela fait suite à l’annonce en septembre 2014 d’une plate-forme technologique complète à ultrabasse consommation dédiée à l’Internet des objets qui est censée allonger l’autonomie des batteries d’un facteur 2 à 10.
Peut-on donc tabler sur l’évolution des technologies de gravure des semi-conducteurs pour soutenir l’innovation dans le domaine des applications de l’Internet des objets et des dispositifs portés sur soi ?
MIKE SALAS Peut-être plus que ce que pensaient certains observateurs mais certainement pas exclusivement. Les conceptions de processeur basse consommation, comme les familles de cœurs Cortex-M d’ARM, sont aussi une composante importante dans l’histoire et, comme nous l’avons déjà fait observer, faire le bon choix en matière de processeur pour un objet connecté ou un dispositif porté sur soi n’est pas nécessairement choisir l’option qui affiche la consommation la plus basse… En réalité, un cœur plus puissant comme le Cortex-M4 peut s’avérer plus éco-efficace en étant capable d’effectuer plus de tâches par cycle d’horloge et en requérant en conséquence moins d’énergie pour une tâche donnée que des options moins performantes (un Cortex-M0 par exemple) qui affiche des consommations électriques instantanées plus basses. Enfin, j’ajouterai que, bien évidemment, tous les processeurs Cortex-M n’ont pas été créés de la même façon. Un microcontrôleur à basse consommation comme ceux de la famille Apollo d’Ambiq qui utilisent une technologie de tension de fonctionnement sous le seuil (sub-threshold) et un cœur performant Cortex-M4F peut offrir aux batteries ou aux piles une autonomie de cinq à dix fois supérieure à celle proposée par des processeurs concurrents, et ce en utilisant un procédé de gravure mâture et bas coût. Le fait que le microcontrôleur Cortex-M4F d’Ambiq affiche aussi une consommation instantanée plus basse que n’importe quel circuit à cœur Cortex-M0 est un plus qui ne fait de mal à personne. Mais qui s’en soucie ? En conclusion, je dirai que la loi de Moore n’est pas morte, mais, pour opter pour le bon processeur, il faut savoir aller au-delà ce bon vieux Moore.