Pour diverses raisons, les opérateurs de satellites gravitant en orbite terrestre basse ont besoin de connaître en temps réel la localisation de leurs engins spatiaux. Comme ceux-ci circulent sous les constellations de systèmes de positionnement par satellites (GPS, Galileo, Glonass, Beidou…), ils embarquent généralement des récepteurs GNSS (Global Navigation Satellite System) pour assurer cette fonctionnalité. Reste que ces récepteurs à la conception figée, une fois dans l’espace, ne peuvent être mis à jour… alors que les signaux GNSS continuent d’évoluer.
Porté par la société toulousaine M3 Systems, le projet IOD-Full-SDR-GNSS, dont le lancement officiel est imminent, devrait modifier cet état de fait. Soutenu par la région Occitanie, ce projet de dix-huit (1) mois vise en effet à démontrer la faisabilité des mises à jour depuis le sol des logiciels GNSS mis en œuvre dans des satellites en orbite basse. « L’objectif est d’utiliser une carte à radio logicielle (SDR) reprogrammable dans une plateforme satellite, de télécharger sur cette carte une première version de notre récepteur GNSS constitué d’un code VHDL et d’un logiciel, d’en évaluer les performances en vol et de prouver qu’on peut le faire évoluer dans le temps », indique Marc Pollina, le PDG de M3 Systems.
Dans le cadre du projet, mené en collaboration avec l’entreprise franco-américaine Loft Orbital et le canadien Space Codesign Systems, M3 Systems, PME d’une vingtaine de personnes créée en 1999, apporte son expertise technologique dans les algorithmes de positionnement et de navigation par satellite GNSS. Expertise que la société a notamment mise en œuvre pour le compte du Centre national des études spatiales (Cnes), de l’Agence spatiale européenne (ESA), de la Direction générale de l’armement (DGA) ou d'Eurocontrol, l’organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne (2).
« Depuis plusieurs années, nous disposons d’une gamme de logiciels de test et de mesure pour laboratoires qui tournent sur plates-formes NI pour, notamment, la simulation de signaux GNSS ou l’enregistrement et le rejeu de signaux GNSS réels, précise Marc Pollina. Et depuis deux ans, nous livrons aussi des équipements de surveillance, toujours sur plates-formes NI, pour les stations sol Eutelsat dans le cadre des nouvelles générations du service européen de navigation par recouvrement géostationnaire Egnos. La prochaine étape pour nous est donc d’embarquer notre technologie dans les satellites. »
Le centre de contrôle de Loft Orbital
Pour l’expérimentation en vol prévue dans le projet IOD-Full-SDR-GNSS, c’est Loft Orbital, fournisseur de services spatiaux en orbite basse, qui apporte un accès rapide à l’espace en mettant à disposition de M3 Systems une plate-forme satellite partagée, équipée de tous les instruments et antennes nécessaires aux essais. Le lancement de cette plate-forme est prévu au cours du second semestre de cette année et c’est Loft Orbital qui se chargera de télécharger les logiciels de M3 Systems dans le nanosatellite.
Le canadien Space Codesign Systems, quant à lui, apporte son savoir-faire en conception de systèmes embarqués et notamment son environnement de développement SpaceStudio permettant d’optimiser les algorithmes évolués de M3 Systems pour la cible FPGA retenue (dont Loft Orbital ne souhaite pas préciser la provenance).
« Durant toute l’année 2023, nous testerons cette première solution évolutive de réception de signaux GNSS à bord d’un satellite, ajoute Marc Pollina. Le projet doit aussi ouvrir la voie à la reconfiguration en vol des traitements des signaux GNSS embarqués qui permettra de développer de nouveaux cas d’usage, en particulier dans les domaines de la science et de l’observation de la Terre. » Et le dirigeant de M3 Systems de citer la réflectométrie et la radio-occultation. Dans le premier cas, il s’agit de récupérer, au niveau d’un nanosatellite, des signaux GNSS qui ont été réfléchis par la Terre et renvoyés dans l’espace et qu’il est possible de déchiffrer afin d’en déduire des informations sur la surface terrestre, sur la nature des sols, etc.
La radio-occultation, elle, intéresse les services de météorologie. Son principe repose sur l’exploitation de signaux qui sont émis par des satellites GNSS apparaissant au niveau de l’horizon (vu du nanosatellite) et qui sont donc déformés par leur passage dans les couches de la stratosphère. Ces déformations, correctement exploitées, peuvent donner des informations indicatives pour les prévisions météo.
« En fin de compte, l’approche proposée par le projet IOD-Full-SDR-GNSS et bâtie sur un logiciel évolutif et adaptatif pour la réception des signaux GNSS actuels et futurs vise aussi à abaisser les barrières à l’entrée pour de nouveaux équipements spatiaux et réduire les délais de mise en œuvre, conclut le dirigeant de M3 Systems. A terme, notre ambition est de fournir une brique de base applicative aux fabricants de nanosatellites qui leur permettra de proposer rapidement de nouvelles missions à leurs propres clients. » Une stratégie que M3 Systems compte aussi mettre en œuvre dans le domaine des drones par le biais de sa société sœur Boreal.
(1) Le projet IOD-Full-SDR-GNSS a été déposé dans le cadre de l'appel à projets "Plan nanosatellites - Accélération des validations en vol (IoD/IoC)" lancé par le gouvernement en 2021. Le projet va bénéficier d'un financement de 855 000 euros de la région Occitanie.
(2) Au-delà du secteur spatial, M3 Systems apporte aussi son expertise dans les domaines du transport et des systèmes autonomes.