3 questions à Eric Bantegnie, VP de la BU systèmes et logiciels embarqués d'Ansys et promoteur de la plate-forme IoT pour l'industriel S3PRencontré par L'Embarqué à l’occasion de la journée de présentation des innovations issues du projet S3P (pour Smart, Safe and Secure Software Development and Execution Platform) qui a eu lieu à Paris en octobre dernier, Eric Bantegnie, à l’origine de cette initiative, estime que les retombées technologiques du projet S3P vont désormais diffuser dans l’industrie.... Le projet S3P, qui vise à favoriser la mise en œuvre d’équipements, d’objets et d’applications de l’Internet des objets avec comme caractéristique la combinaison de technologies de sûreté de fonctionnement, de sécurité, d’agilité et de portabilité, a pris fin tout récemment après trois ans de travaux. Quels premiers enseignements en tirez-vous ? ERIC BANTEGNIE D’abord ce projet d’envergure (qui représente 45 millions d'euros d’investissements privés et 15 millions d'euros apportés par l’Etat) a permis la réalisation de solutions industrielles implantées dans des cas d’usage réels. Avec des validations formelles explicites. Par exemple les travaux menés par Ansys, Safran, Krono-Safe et Prove & Run ont permis de développer un flot de production de code dans le domaine de l’aéronautique, avec une perspective d’intégration de ces technologies dans des projets industriels à l’horizon 2020/2021. La décision prise vis-à-vis de cet outillage logiciel est une conséquence directe du projet S3P. D’autres travaux menés par Alstom (pour la commande de contrôle de trains), Altran (sur une plate-forme IoT notamment dans la santé), Schneider Electric (autour d'un bloc sécurisé de démarrage de moteurs industriels), STMicroelectronics (avec une passerelle IoT sécurisée) ou encore Airbus (avec un système de communication sol/avion) ont abouti à des décisions similaires, avec des dates de déploiement précises. Ensuite, le projet S3P a permis aux offreurs de technologies, portés par de jeunes sociétés comme Krono-Safe, Prove & Run ou MicroEJ, de présenter des références industrielles exploitables à des financeurs. Avec la conséquence pour certaines d’entre elles de favoriser leurs opérations de levée de fonds. Une manière de les faire grandir au sein d’un écosystème solide et de conserver en France des technologies innovantes. Au-delà des grands groupes industriels, le projet S3P a-t-il eu des retombées concrètes pour les PME ? ERIC BANTEGNIE Certaines PME comme la société Suretec (spécialiste des systèmes d’alarme et de surveillance) ont directement bénéficié du projet S3P. Ensuite la plupart des offreurs de technologies du projet sont des PME et ont donc pu développer leur savoir-faire sur des projets industriels concrets. Enfin, et c’est peut-être le plus implorant, ces sociétés vont continuer de travailler ensemble après la fin du projet. Cela illustre le fait que, lorsque l’on met en contact directement dans un cadre précis de jeunes sociétés innovantes avec des groupes industriels établis, un effet d'écosystème finit par se créer, à l’instar de ce qui se passe en Allemagne. Cette approche favorise le déploiement en Europe de start-up sur des bases technologiques et industrielles solides, alors que bien souvent elles sont obligées d’aller très loin hors de France pour assurer leur développement avec tous les risques afférents à cette démarche. C’est aussi une retombée concrète du projet S3P. Quel est l’avenir du projet S3P maintenant qu’il est clos ? Y aura-t-il une suite ? ERIC BANTEGNIE Non, il n’y aura pas de projet S3P II. En revanche les technologies développées au sein de S3P vont diffuser et être réutilisées à travers deux grands projets avec de nouveaux acteurs, notamment dans le domaine automobile non couvert par S3P. Le premier, baptisé ES3CAP (à prononcer escape, pour Embedded Smart Safe Secure Computing Autonomous Platform) a pour objectif le développement d’un environnement logiciel pour des plates-formes matérielles multi- ou many-cœurs, en particulier pour le marché des systèmes critiques embarqués dans les futurs véhicules autonomes ou dans des systèmes de drones pour la Défense. Avec comme objectif de réaliser des blocs matériels/logiciels certifiés fonctionnant sur 6, 8, 10, voire 1 000 cœurs de processeur, comme ceux réalisés par la société française Kalray, très impliquée sur ce projet avec Renault, Safran et MBDA entre autres. Le second projet, dénommé CPS (Cyber Physical Systems), est en cours de validation au niveau européen. Il est mené par Valeo et va lui aussi tirer parti de certaines technologies validées au sein de S3P. In fine ce sont de nouveaux acteurs, sur de nouveaux domaines applicatifs, qui vont exploiter les retombées technologiques liées au projet S3P et assurer de fait sa continuité dans l’industrie. Propos recueillis par François Gauthier |