CAILabs pulvérise les limites actuelles des infrastructures de transport optiques

La jeune société française CAILabs a développé une technologie de rupture qui vise, pour un coût raisonnable, à multiplexer spatialement différents flux lumineux dans une fibre optique afin d’en augmenter la capacité de transmission. Une approche qui devrait permettre de répondre à l’augmentation irrépressible du trafic télécoms et Internet. ...

 

« Le trafic de données sur les infrastructures télécoms et Internet est multiplié par dix tous les quatre ou cinq ans, mais, avec les technologies actuelles de multiplexage et de codage, la capacité d’une fibre optique monomode va atteindre ses limites. Il va donc falloir déployer à terme des technologies de rupture pour continuer à augmenter le débit qui peut être potentiellement véhiculé par une fibre optique. C’est justement ce que promet l’approche de multiplexage spatial que nous avons développée et qui intéresse de près des équipementiers comme Alcatel-Lucent. » Pour Jean-François Morizur (au milieu sur la photo ci-dessus), l’avenir de la société CAILabs qu’il a cofondée en juin 2013 avec Guillaume Labroille et Nicolas Treps s’annonce donc sous les meilleurs auspices. D’autant que le système développé est aujourd’hui quasiment arrivé au stade industriel. « En novembre 2013, pour lancer la commercialisation de nos multiplexeurs spatiaux, nous avons finalisé une première levée de fonds d’un million d’euros auprès d’Innovacom, de business angels et de la SATT Lutech, précise le dirigeant de CAILabs. Nous prévoyons d’annoncer officiellement la disponibilité de nos produits à l’occasion de la conférence OFC 2014 qui se tiendra à San Francisco du 9 au 13 mars. »

La technologie de multiplexage spatial (SDM) doit permettre de répondre à la croissance du trafic, multiuplié par dix tous les quatre ans

La technologie qui est au cœur des produits de CAILabs a été découverte lors de travaux de recherche en optique quantique menés au laboratoire Kastler Brossel. Et c’est désormais la jeune société française qui en détient une licence exclusive pour l’exploiter dans des produits commerciaux. Brevetée en 2010, la technologie repose sur la combinaison et la séparation purement optique de flux lumineux aux deux extrémités d’une fibre faiblement multimode (Few-Mode Fiber), une fibre dont le cœur est d’un diamètre légèrement plus grand que celui des fibres monomodes traditionnellement utilisées dans les infrastructures télécoms longue distance.

Compatible avec le multiplexage en longueur d'onde

« Le procédé, qui reste compatible avec le multiplexage en longueur d’onde, permet de manipuler, via des lames de phase, la forme de la lumière pour multiplexer spatialement les différents flux lumineux dans la fibre optique et augmenter d’autant la capacité de transmission, précise Jean-François Morizur. Ces lames de phase sont en fait des surfaces structurées sur verre ou sur quartz dont les caractéristiques sont calculées selon un formalisme dérivé de l’optique quantique. » Un premier prototype a été validé dès 2013 par les Bell Labs d’Alcatel-Lucent qui étudie aussi la possibilité d’intégrer à terme la solution de CAILabs dans de futurs produits.

Bien évidemment, CAILabs n’est pas la seule société au monde à plancher sur des systèmes qui visent à doper les débits véhiculés sur les fibres optiques. « L’un des points forts de notre procédé réside toutefois dans sa faculté à combiner et séparer les faisceaux spatialement de façon purement optique et ce avec très peu de pertes, ce qui évite de recourir aux systèmes électroniques complexes et coûteux qu’exigent les approches Mimo (Multiple Input Multiple Output) par exemple », affirme le dirigeant de la start-up française. Dans ces derniers systèmes, plusieurs fibres optiques monomodes sont fusionnées en une seule fibre faiblement multimode et les canaux véhiculées par les différentes fibres interfèrent alors les uns avec les autres. A charge alors pour le système de réception de récupérer de manière électronique les contributions de chacun des canaux initiaux dans le signal global récupéré…

Des déploiements de fibres faiblement multimodes à prévoir

On l’aura compris, le déploiement de multiplexeurs spatiaux sur le terrain passera par la pose simultanée de nouvelles générations de fibres optiques (faiblement multimodes donc). « Les équipementiers et les opérateurs anticipent aujourd’hui qu’il leur faut probablement investir dans les infrastructures pour répondre à l’explosion du trafic, note Jean-François Morizur. Dans ce cadre, nous discutons en ce moment-même avec les principaux acteurs du secteur ainsi qu’avec les fabricants de fibres optiques. Nous pensons que le déploiement de multiplexeurs spatiaux se généralisera à l’horizon 2020. » En attendant, la jeune société française, dont l’effectif basé à Rennes est de six personnes, compte étoffer à terme ses équipes de R&D et de business development. « Il semble exclu que nous puissions vendre un équipement tel quel aux opérateurs ; il nous faudra forcément les accompagner jusqu’au déploiement », prédit le cofondateur de CAILabs.