"Voitures connectées et compteurs intelligents sont deux marchés majeurs pour Sierra Wireless"

Olivier Beaujard, vice-président Market Development de Sierra Wireless, firme qui se positionne désormais comme le numéro un mondial du marché M2M cellulaire, détaille pour L'Embarqué les grandes évolutions économiques et techniques que connaît aujourd'hui un secteur dominé à 80% par trois entreprises : Sierra Wireless, Gemalto/Cinterion et Telit. ...   Depuis quelque temps, le marché des modules M2M cellulaires se rationalise et Sierra Wireless a passablement contribué à ce mouvement. Ce phénomène va-t-il perdurer ? OLIVIER BEAUJARD En se séparant début 2013 de ses activités liées à la famille de modems cellulaires grand public pour PC AirCard pour se recentrer exclusivement sur le marché du M2M, Sierra Wireless n’avait pas caché sa volonté de procéder à de nouvelles acquisitions après le rachat de Wavecom en 2009 et la reprise des modules M2M de Sagemcom en 2012. Cette volonté s’est concrétisée il y a quelques semaines par l’acquisition des activités M2M d’Anydata, société très présente en Corée du Sud et dotée de fortes compétences en technologies LTE, 4G et VoLTE (Voice over LTE). D’autres rachats dans l’écosystème du M2M devraient suivre. Aujourd’hui, les analystes considèrent Sierra Wireless comme le numéro un du marché M2M cellulaire, tant en chiffre d’affaires qu’en volume, avec une part de marché supérieure à 30% et des revenus de l’ordre de 420 millions de dollars sur les douze derniers mois.  Il est clair que nos acquisitions nous ont permis d’élargir nos parts de marché. Grâce aux activités de Sagemcom, Sierra Wireless est désormais très présent sur le segment de la monétique, avec un client comme Ingenico, et sur celui des transports, avec une offre en technologie GSM-Rail. Les ex-équipes de Sagemcom ont également fortement contribué au développement de la toute récente gamme AirPrime HL constituée de modules 2G, 3G et 4G parfaitement interchangeables de seulement 22 x 23 mm. De leur côté, nos concurrents principaux, Gemalto/Cinterion et Telit, ont eux aussi procédé à des acquisitions et l’on peut considérer qu’à nous trois, nous détenons environ 80% d’un marché des modules M2M cellulaires estimé en 2013 à environ 60 millions de pièces.   Les fabricants de modules montent aujourd’hui dans la chaîne de valeur M2M en proposant des plates-formes logicielles en nuage. Comment voyez-vous se structurer le marché ? OLIVIER BEAUJARD Avec la plate-forme AirVantage, dont les origines remontent aux travaux de la société toulousaine Anyware Technologies, acquise par Wavecom en 2008, Sierra Wireless a été le premier à investir dans ce domaine. C’est au travers d’AirVantage que se fait notamment la mise à jour des logiciels déployés dans plus d’un million de véhicules connectés de PSA. Il est évident qu’une telle plate-forme de gestion et de maintenance à distance est nécessaire lorsqu’un client dispose d’un parc conséquent de produits connectés disséminés un peu partout. Rien d’étonnant donc à ce que les fabricants de modules M2M investissent dans ce type de plates-formes. Gemalto et Telit, qui ne disposaient pas de ce savoir-faire en interne, ont repris respectivement SensorLogic et ILS pour disposer d’une offre ad hoc, associée à leurs propres modules. AirVantage se distingue toutefois par le fait que c’est à la fois une plate-forme de device management et une plate-forme d’application enablement qui permet de concevoir et de déployer des applications M2M à travers des outils de développement que nous fournissons également. C’est sur cette fonction d’application enablement que se développe aujourd’hui une offre concurrentielle émanant de sociétés qui ne font pas de modules M2M, comme l’américain Axeda par exemple. Ajoutons que, lorsqu’il y a des quantités massives de données à gérer, ce qui est le cas dans les domaines de l’automobile ou du comptage d’énergie intelligent, les gros intégrateurs type CGI, Atos, IBM ou Accenture, ou les entités dédiées M2M des grands opérateurs mobiles, interviennent aussi dans la chaîne de valeur. Les autres marchés du M2M sont souvent très morcelés et c’est la raison pour laquelle Sierra Wireless a placé un certain nombre de briques de ses solutions en open source afin que les utilisateurs puissent adapter les outils à leurs propres besoins. Nous animons aussi une large communauté de développeurs via un site web et un forum M2M dédiés lancé depuis bientôt deux ans.   Quels sont les secteurs M2M verticaux les plus importants pour Sierra Wireless ? OLIVIER BEAUJARD En termes de chiffre d’affaires, la voiture connectée et le comptage intelligent arrivent en premiers. En matière de compteurs communicants, si la France ou l’Italie ont choisi une architecture où seuls les concentrateurs sont reliés par une liaison cellulaire à l’infrastructure, d’autres pays comme la Grande-Bretagne ont en effet opté pour l’intégration de modules cellulaires directement dans chaque habitation. Et là, on ne compte plus en centaines de milliers de pièces mais en millions… Les autres marchés importants pour Sierra Wireless sont les terminaux de paiement sans fil et les routeurs et équipements réseaux pour infrastructures télécoms, là où la communication cellulaire est alors utilisée comme liaison de back-up ou en remplacement du filaire   Quelles sont les principales évolutions technologiques que connaissent actuellement les modules M2M cellulaires ? OLIVIER BEAUJARD La tendance est à l’adoption des mêmes dimensions et d’une même connectique pour l’ensemble de la gamme 2G, 3G et 4G. Certains opérateurs, comme AT&T aux Etats-Unis, ont décidé d’éteindre d’ici deux à trois ans leurs réseaux 2G et de basculer rapidement vers la 4G. Ce phénomène est d’ailleurs d’ores et déjà perceptible car, en cumulé, nous avons vendu plus de deux millions de modules LTE, essentiellement en Amérique du Nord. Il est évident que ce phénomène va gagner l’Europe. Le fait de disposer de modules complètement interchangeables permet aux équipementiers d’adapter rapidement leurs produits sans avoir à concevoir un nouveau design. La miniaturisation et la réduction de la consommation sont également des objectifs constamment recherchés par les fabricants de modules. Beaucoup d’efforts ont déjà été faits en ce sens. Certains modèles de Sierra Wireless, par exemple, peuvent s’éteindre complètement pendant un temps plus ou moins long pour une consommation nulle, une option particulièrement intéressante dans les applications de comptage d’énergie par exemple. Pour les applications M2M qui ont de forts besoins en performances ou qui doivent traiter des flux importants de données, ce qui est parfois le cas en 3G et 4G, la tendance est également à renforcer les capacités de calcul du microcontrôleur embarqué dans le module. L’idée étant à la fois d’enrichir les fonctionnalités logicielles et applicatives du module et de diminuer les besoins en composants externes. Dans ce cadre, Sierra Wireless prévoit de lancer de nouveaux produits lors des prochains salons Mobile World Congress et Embedded World en février 2014.   Le cellulaire n’est pas forcément une technologie qui peut s’intégrer dans tous les objets connectés. Quelle est la position de Sierra Wireless vis-à-vis d’autres technologies radio comme Wi-Fi, Bluetooth, Low Power RF, Sigfox ou autres ?    OLIVIER BEAUJARD Pour des raisons de consommation ou de coût (notamment au niveau de l’abonnement), le cellulaire ne peut être intégré partout. En tant que société « cellulaire only », nous considérons toutes les autres technologies comme complémentaires et, à ce titre, Sierra Wireless teste l’interopérabilité de ses solutions avec le Wi-Fi, très présent dans l’industriel, le Bluetooth, qui a les faveurs du médical, etc. Au niveau des concentrateurs M2M, cette interopérabilité est indispensable puisque les technologies sont amenées à cohabiter. Sierra Wireless suit aussi attentivement l’arrivée de nouveaux entrants dans le domaine du M2M comme Sigfox ou d’autres qui apportent de nouvelles technologies sur le marché.   Propos recueillis par Pierrick Arlot