Dans cet entretien, Joachim Koss fondateur de JK Consulting and Projects (*) explique les tenants et aboutissants du projet ESTIMED mené par l’Etsi (**). ESTIMED - Enabling Standardized IoT deployments in MEC Environments for advanced systems - a pour objet de faciliter les déploiements IoT standardisés dans les environnements dits MEC - Multi-access Edge Computing - dont un des objectifs principaux est de combler le fossé entre les plateformes IoT et l’informatique en périphérie de réseau, l’Edge Computing (***). Joachim Koss, chef de projet du projet ESTIMED, évoque ici comment ces activités de normalisation ouvre la voie à des synergies pour la mise en place de systèmes IoT interopérables, évolutifs et opérationnels.  

Pourriez-vous tout d’abord décrire le projet ESTIMED ?

Joachim Koss ESTIMED est un projet visant à faciliter les déploiements IoT standardisés dans les environnements MEC pour les systèmes avancés. Sur le plan organisationnel, le projet est mené par un groupe de travail spécialisé de l'ETSI, plus précisément le STF 685.

Il se concentre sur la mise en place de déploiements IoT standardisés au sein d'environnements de calcul en périphérie multi-accès. ESTIMED vise en fait à rassembler les normes ouvertes ETSI ISG MEC (Multi-access Edge Computing) et oneM2M sur une seule plateforme horizontale.

Dans le cadre d’un écosystème plus large associant l’Etsi et l’organisation oneM2M, ESTIMED répond au besoin de solutions interopérables, efficaces et évolutives pour les systèmes IoT avancés. En d’autres termes, cette initiative contribue à combler le fossé entre plateformes IoT et architectures de calcul en périphérie.

L'accent est mis sur la fourniture de lignes directrices pratiques, d'évolutions architecturales et de ressources de test. Le projet s'inscrit dans les priorités européennes de transformation numérique dans des secteurs tels que la mobilité intelligente, l'automatisation industrielle et la sécurité publique.

Pourriez-vous décrire l'approche adoptée pour ce projet ?

Joachim Koss L'équipe procède à un examen approfondi des implémentations oneM2M et MEC existantes, notamment leurs architectures, leurs API et leurs composants fonctionnels. Une activité distincte est consacrée à la définition d'un ensemble de cas d'usage représentatifs de l'Edge-IoT.

L'approche permet de réunir ces deux volets en étudiant comment les éléments techniques peuvent être alignés et intégrés pour répondre aux exigences opérationnelles des cas d'usage. Ceci jette les bases pour explorer la faisabilité technique et les avantages pratiques de l'interopérabilité entre les deux cadres.

Cette intégration n'est pas envisagée comme un exercice purement théorique. Notre approche s'appuie sur des contextes d'application concrets, garantissant ainsi que les solutions proposées restent pragmatiques, évolutives et opérationnelles.

Le projet a débuté en janvier 2025 pour une durée de trois ans. Il réunit dix organisations/entreprises contributrices et plus de vingt-cinq experts. Nous prévoyons d'élaborer trente documents et d'organiser trois hackathons au cours du projet afin de favoriser l'adoption et de développer les écosystèmes industriels et utilisateurs.

Le premier hackathon s'est d'ailleurs déroulé fin octobre avec les objectifs suivants : Identifier et définir des cas d'usage innovants répondant aux problématiques et défis de l'IoT et du Edge Computing et fournir des solutions d'architecture de haut niveau.

Pourquoi l'Edge IoT est-il un sujet important ?

Joachim Koss L'Internet des objets (IoT) et l'Edge computing sont des leviers essentiels de l'économie numérique, avec un fort potentiel dans le secteur industriel où les réseaux 5G offrent des avantages en termes de faible latence et d'efficacité de la bande passante.

La conception interopérable des systèmes edge IoT permet à des groupes d'appareils et d'agents d'interagir pour atteindre des objectifs communs, par exemple grâce à des techniques de calcul en essaim. Ces déploiements nécessitent des normes unifiées dans le domaine de l'Edge IoT, telles que l'ETSI ISG MEC pour le edge computing multi-accès et oneM2M pour les systèmes IoT interopérables.

Pourriez-vous nous expliquer le contexte de la coopération entre l'ETSI MEC et oneM2M ?

Joachim Koss En juin 2023, des experts de MEC, oneM2M et SmartM2M ont décrit comment les architectures ETSI MEC et oneM2M se complètent pour permettre un accès complet aux données et une interopérabilité totale. Voici le livre blanc qu’ils ont publié. Leurs conclusions incluaient des pistes initiales sur les options de déploiement, la définition de cas d’usage spécifiques et les exigences permettant de démontrer les intégrations MEC-oneM2M.

Ces idées, sur le papier, constituent la base de la définition de démonstrateurs de faisabilité. L’interopérabilité entre les architectures standard MEC et oneM2M peut permettre le déploiement de services IoT en périphérie. On peut citer comme exemples la mobilité dans les villes intelligentes et l’analyse en temps réel.

Ces services s’appuieraient sur une couche de services commune oneM2M instanciée (schéma ci-dessous) sur un ou plusieurs hôtes MEC. Les architectures interopérables permettraient alors aux applications MEC d’exploiter les données générées par l’IoT et transitant par les plateformes standard oneM2M configurées pour prendre en charge l’architecture système MEC et les API associées.

 

Mca, Mcn, Mcc zero Mcc : interfaces entre deux fournisseurs de services. CSE (Common Services Entity) : entité de services communs qui fournit l’ensemble des “fonctions de service” communes aux domaines IoT. AE (Application Entity) : Entité d’application qui fournit la logique applicative pour les solutions IoT de bout en bout. NSE (Network Services Entity) : Entité de services réseau qui fournit des services aux CSE au-delà du transport de donnée. Nodes ou Needs : équivalent logique d’un dispositif physique (ou éventuellement virtualisé)

 

ESTIMED est un projet multi-entreprises. Quelles sont les organisations impliquées ?

Joachim Koss Trois catégories d’organisations contribuent au projet en apportant leur expertise MEC et oneM2M. D’abord l’Alliance européenne des PME numériques (Digital SME) qui est une communauté qui représente plus de 45 000 PME du secteur des TIC dans trente pays et régions de l’Union Européenne et des pays voisins.

Ensuite des organisations commerciales comme Exacta Global Smart Solutions, Fscom JK Consulting and Projects, Nextworks, Samir Medjiah et xFlow Research partcipent au projet.

Et enfin des établissements académiques comme le CNIT (Consortium national interuniversitaire pour les télécommunications), l’ Université Sejong et l’Université de Modène et de Reggio Emilia sont associés. 

Quels sont les objectifs de l’Union Européenne pour ce projet ?

Joachim Koss Un objectif européen important est d’aider les petites et moyennes entreprises. Cela se traduit notamment par la participation de l’organisation Digital SME qui représente les intérêts de plus de 45 000 PME dans le processus de normalisation. L’accent mis sur les PME implique la nécessité de solutions techniques pouvant être déployées à petite échelle et évoluer sans que les organisations utilisatrices soient contraintes de s’associer à de grands fournisseurs de services cloud.

La normalisation permet d’atteindre cet objectif en facilitant la collaboration entre plusieurs organisations et en leur permettant de tirer parti des avantages de l’interopérabilité. Ce projet répond également au thème 18 des subventions pour les actions de normalisation proposées par la Commission européenne dans le cadre du programme SMP-STAND-2024-ESOS-01-IBA. Le thème 18 porte notamment sur “Permettre l’interopérabilité normalisée et l’accès aux données dans l’Internet des objets en périphérie et en essaim”.

Cet appel à propositions vise à soutenir les activités de normalisation menées par le CEN, le CENELEC et l'ETSI. Doté d'un budget de 4,2 milliards d'euros sur la période 2021-2027, il offre un ensemble de mesures intégrées pour soutenir et renforcer la gouvernance du marché unique. Par ailleurs, les travaux de normalisation du projet répondent aux enjeux soulevés par le Programme pour le marché unique. Ils se concentrent sur l'amélioration de l'interopérabilité de l'Internet des objets (IoT) en favorisant de nouveaux paradigmes edge-cloud et des concepts émergents.

Pour des informations plus détaillées, les meilleures ressources sont les pages d'accueil d'ESTIMED et le portail public ETSI STF 685.

(*) Cabinet de conseil qui accompagne les entreprises dans les domaines des communications machine-to-machine, de l’IoT, des homologations de produits et de la gestion de projets pour les systèmes de management de la qualité

(**) L’Etsi (European Telecommunications Standards Institute) est un organisme de normalisation indépendant à but non lucratif qui produit des normes pour l'industrie des technologies de l'information et de la communication

(***) Adaptation en français d’un entretien publié sur le site de l’organisation mondiale oneM2M qui crée des spécifications techniques, des cas d'usage et des principes architecturaux pour garantir que les communications entre machines fonctionnent de manière opérationnelle.

 

Architecture de référence MEC (Source ETSI GS MEC 003)