Vers une extension de l’IoT aux orbites terrestres

[APPLICATION NORDIC SEMICONDUCTOR] L’IoT cellulaire permet de mettre en œuvre des milliards d’applications à haut débit et faible latence dans des endroits où la connectivité sans fil à faible portée n’est pas envisageable. Désormais, elle s’étend au-delà de la terre, du ciel et de la mer vers l’espace, à travers de nouveaux modèles de réseau, comme les réseaux non terrestres qui permettront aux utilisateurs, pour la première fois, de suivre des actifs critiques ou des infrastructures vitales, quel que soit leur position sur la planète. Cette connectivité IoT satellitaire promet de baisser les coûts et d’étendre la couverture de la connectivité sans fil à l’ensemble de la planète, permettant de nouveaux cas d’utilisation, comme l’explique ici Nordic Semiconductor.

Auteur : Martin Lesund

Responsable des produits techniques pour le département IoT Cellulaire

Nordic Semiconductor

L’internet des objets (IoT) a été conçu en particulier à l’origine comme une solution aux problèmes rencontrés par les chaînes d’approvisionnement, en permettant aux produits en transit et aux capteurs de partager automatiquement leurs données entre eux. Cette idée de départ a ensuite été étendue à un objectif plus large, celui de rendre le monde physique des habitations, usines et villes plus intelligent en intégrant des capteurs, réseaux et ressources informatiques à nos objets du quotidien.

Cependant, l’IoT n’a jamais totalement oublié sa raison d’être première, à savoir cette gestion des chaînes d’approvisionnement.

Parti ainsi d’une technologie émergente il y a 10 ans, l’IoT est actuellement en plein essor. Le nombre d’objets connectés n’a cessé de monter en flèche pour atteindre 15 milliards aujourd’hui, un chiffre qui devrait doubler d’ici 2030, selon les estimations de l'Ericsson Mobility Report. Au même moment, l’informatique en périphérie de réseau et l’intégration d'équipements de gestion d'applications d'intelligence artificielle (IA) ont permis la mise en place de systèmes de prise de décision quasiment en temps réel, réduisant la latence et la dépendance au Cloud.

En 2024, la valeur du marché IoT appliqué aux chaînes d’approvisionnement représentait 21,36 milliards de dollars, et elle devrait atteindre 55,58 milliards de dollars d’ici 2031 (*). Or on constate que cette croissance est notamment alimentée, comme au début de l'IoT, par le besoin d’établir des chaînes d’approvisionnement interconnectées intelligentes qui améliorent la productivité et diminuent les coûts pour le fournisseur, tout en répondant aux exigences de transparence et de traçabilité des clients. En effet, placer le bon produit au bon endroit, au bon moment, dans de bonnes conditions et au bon prix, est devenu un impératif. Et cela n’est possible qu’à l’aide d’unetechnologie IoT à toute épreuve.

Une transformation des chaînes d’approvisionnement


L’IoT cellulaire est devenu un moteur essentiel de la transformation de la gestion des chaînes d’approvisionnement en apportant de nouveaux modèles de visibilité, efficacité et réactivité à ce qui était auparavant un processus plutôt opaque.

Avant l’IoT cellulaire, les chaînes d’approvisionnement étaient souvent lentes, fragmentées et s’appuyaient essentiellement sur des registres manuels. Les entreprises suivaient les expéditions à l’aide de documents papier, d’appels téléphoniques et de mises à jour espacées, ce qui occasionnait beaucoup d’erreurs. Les documents se déplaçaient avec les produits, c’est-à-dire que la visibilité n’était possible qu’à certains points de contrôle (quand un conteneur quittait un port ou arrivait dans un entrepôt).

L’IoT cellulaire a transformé ce système en y apportant la visibilité en temps réel et un flux de données continu au sein de la chaîne d’approvisionnement. En connectant les actifs grâce à des appareils connectés et à des réseaux mobiles, les entreprises peuvent instantanément surveiller et gérer les expéditions n’importe où sur la planète. Ces appareils non seulement partagent des données de localisation précises mais mesurent également les conditions ambiantes comme la température, le taux d’humidité ou les vibrations.

Cela s’avère essentiel pour des secteurs comme l’agro-alimentaire, l’industrie pharmaceutique ou l’électronique, où certains délais et conditions d’acheminement doivent être impérativement respectés. L'efficacité opérationnelle a également été largement améliorée.

Les outils de gestion de flotte avec des capacités IoT optimisent les trajets de livraison, réduisent les temps morts et diminuent la consommation de carburant. Les entrepôts utilisent des appareils connectés pour mettre à jour l’inventaire automatiquement, évitant le surstockage ou les ruptures de stocks qui, auparavant, avec les registres manuels, étaient fréquents.

Élimination des points aveugles, une nécessité


Bien que la technologie IoT cellulaire ait apporté son lot d’améliorations aux chaînes d’approvisionnement et à d’autres secteurs, elle possède tout de même quelques limites. Si la 4G/LTE couvre 90 % de la population mondiale, sur le plan géographique, cela ne représente que 15 % de la surface terrestre. Bien que ce taux de couverture augmente à 30-35 % si on prend en compte les réseaux 2G et 3G, ce pourcentage diminue un peu plus chaque année car les opérateurs suppriment progressivement ces réseaux dans le monde.

Ce manque de couverture cellulaire est plus flagrant encore pour les solutions IoT qui, contrairement aux personnes, peuvent être déployées absolument n’importe où à la surface du globe. C’est le cas par exemple des vraquiers et navires de charge qui empruntent la route du Grand Cercle du Pacifique Sud, entre l’Amérique du Sud, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Cette route maritime passe près du Point Nemo, un point de l’océan situé à près de 3 000 km de toute terre émergée, si isolé qu’il est utilisé comme cimetière pour désorbiter les satellites et stations spatiales.

Les cargos qui empruntent cette route transportent entre autres choses des équipements d’exploitation minière ou industriels onéreux destinés aux mines d’Amérique du Sud, tout comme des voitures de luxe, des produits électroniques ou d’autres biens de consommation de niche.

Le suivi quasiment en temps réel du trajet et des conditions de ce type de navire de marchandises était auparavant inimaginables, y compris avec la technologie IoT cellulaire. Il existe également des exemples d’applications de suivi et surveillance critiques dans des endroits particulièrement reculés sur terre.

Autre cas de figure, le nord du Canada, l’Australie, la Patagonie et l’Asie centrale abritent tous de grandes fermes d’élevage, loin de toute connectivité cellulaire, pour lesquelles le suivi de chaque animal contribue à la bonne gestion du cheptel.

N’oublions pas non plus qu’on compte sur notre planète environ 10 millions de km de lignes haute tension et environ 7 millions de km d’oléoducs/gazoducs placés le long de corridors linéaires, souvent en environnement difficile ou très isolé, mais qui nécessitent une surveillance particulière des fuites et pannes éventuelles.

Le module SiP nRF9151 de Nordic est une solution faible consommation et intégrée qui prendra en charge la connectivité terrestre et non terrestre

Les appareils IoT cellulaires comme ceux de la série nRF91 de Nordic Semiconductor, associés à un émetteur-récepteur Bluetooth LE et à des capteurs, sont idéaux pour ce type de solutions de suivi d’actifs et de surveillance. Ils sont fiables, sûrs, peu gourmands en énergie et assez bon marché pour être utilisés sur un colis individuel (ou un animal), ou bien à intervalles réguliers le long d’une ligne de transmission ou un pipeline, mais ils ont leurs limites.

Ils fournissent la connectivité en ville et comme à la campagne ainsi qu’à une grande partie de la population du globe, mais pas au milieu de l’Océan Pacifique Sud ou le long d’un pipeline traversant l’Alaska.

Ainsi, comment les fabricants de solutions de suivi IoT font-ils pour fournir à leurs clients une couverture mondiale sans interruption, alors que 70 % de la planète ne dispose pas d’une couverture IoT cellulaire ?

Vers une solution non terrestre


La technologie NTN (Non Terriestrial Network) de réseau non terrestre du projet 3GPP (3rd Generation Partnership Project) constitue une solution. Même si les communications satellites existent depuis plusieurs dizaines d’années, elles fonctionnaient indépendamment des normes régissant les réseaux mobiles jusqu’à ce que 3GPP introduise les NTN dans un framework cellulaire global.

Les réseaux NTN prennent en charge la technologie NB-IoT à travers des satellites plutôt que de dépendre de l’infrastructure cellulaire. La technologie fonctionne grâce à une constellation de satellites, complétée, en fonction du lieu, par une infrastructure IoT cellulaire.

Ainsi, les réseaux cellulaires mondiaux sont accessibles de la même façon que les réseaux LTE-M/NB-IoT terrestres. Les fournisseurs de réseaux NTN 3GPP fournissent deux structures d’une importance similaire : les satellites qui remplacent les antennes relais terrestres, et le réseau d’infrastructure cellulaire. Le réseau d’infrastructure permet aux réseaux terrestres et non terrestres d’interagir de façon fluide, et aux appareils IoT tels que les dispositifs de suivi d’actifs de passer automatiquement d’un réseau terrestre à un réseau NTN, de la même façon que l’itinérance est aujourd’hui automatique entre les différents réseaux terrestres.

Au niveau basique, les réseaux NTN se divisent en trois grandes catégories. La technologie peut se fonder sur des satellites à orbite terrestre géosynchrone ou géostationnaire (GEO), à orbite terrestre basse (LEO) ou moyenne (MEO) bien que ces derniers ne soient pas les plus utilisés pour l’IoT.

Les satellites GEO décrivent une orbite à une distance d’environ 36 000 km de la surface terrestre, de sorte que leur période orbitale correspond à la période de rotation de la Terre. Un satellite GEO est capable de couvrir un tiers du globe, c’est-à-dire que le satellite est toujours visible pour une station terrestre située dans la région couverte, et donc disponible pour votre appareil. Généralement, les satellites GEO réfléchissent les signaux envoyés par votre appareil IoT vers la Terre sans aucun traitement. La communication avec le satellite est complètement invisible pour un appareil, car la communication se fait entre ce dernier et un eNB (Evolved NodeB) ou "tour cellulaire" également au sol.

Ainsi, les données envoyées peuvent atteindre un service dans le Cloud tandis que la connexion NTN est toujours active. En raison de la forte altitude et du faible nombre de satellites GEO, un appareil IoT doit gérer un bilan de liaison difficile alors que la capacité du réseau sera inférieure à celle qui est habituelle pour les réseaux terrestres.

Les débits de couche PHY (aérienne) attendus sur les réseaux NTN GEO sont de l’ordre de 1-2 kbit/s, en utilisant un module d’alimentation standard de classe 3 (23 dBm) et une antenne 0 dBm. Pour maintenir une connexion NTN GEO stable, on utilise les mêmes mécanismes de protocole NB-IoT que ceux utilisés pour étendre la couverture d’un réseau terrestre. Le débit d’un NTN GEO et sa consommation énergétique seront donc similaires à ceux d’un appareil IoT cellulaire fonctionnant en périphérie de la couverture d’un réseau NB-IoT terrestre.

En raison du débit de données effectif relativement bas, et de leur connexion en temps réel au réseau d’infrastructure, les satellites NTN GEO sont principalement utilisés actuellement pour les communications d’urgence. Ils sont notamment utilisés pour les services D2D (direct-to-device) pour appareils mobiles ainsi que pour d’autres cas d’utilisation nécessitant l’envoi immédiat de messages importants.

De nouveaux services étant intégrés, ils sont maintenant utilisés pour des cas d’utilisation IoT qui ont souvent besoin d’une quantité limitée de données mais qui impliquent des messages importants, pour lesquels il est indispensable de disposer d’une couverture constante et d’avoir une latence relativement faible. Par exemple, lorsque les quantités de données sont faibles (quelques octets par jour) ou qu’il s’agit de messages importants, comme les systèmes d’alarmes entraînant une action immédiate.

Les satellites LEO fournissent un débit de données élevé


Les satellites LEO, de oeur côté, utilisés par de nombreux nouveaux réseaux NTN 3GPP, sont beaucoup plus proches de la Terre, à 600-800 km de la surface. Leur bilan de liaison est donc meilleur pour un appareil IoT, permettant plus de flexibilité dans la conception des antennes ainsi que des débits de données plus élevés, atteignant 20-40 kbit/s, avec le même module d’alimentation de classe 3 et antenne.

Comme les débits de données effectifs sont plus élevés, le délai de connexion au satellite est significativement réduit, ce qui diminue également la consommation énergétique. Le profil de consommation d’un appareil IoT utilisant une connexion LEO sera comparable à celui d’un appareil LTE Cat NB1, ou d’un appareil NB2 dans une zone de couverture moyenne ou faible d’un réseau terrestre.

Cependant, à cause de leur altitude plus faible, les satellites LEO parcourent une orbite beaucoup plus rapidement que les satellites GEO. Un satellite LEO donné ne sera visible au-dessus d’un point donné que pendant quelques minutes à chaque orbite. Il en va de même pour le nombre de fois où les satellites LEO sont visibles pour une station terrestre, permettant la communication avec le réseau d’infrastructure NTN.

En d'autres termes, le petit nombre de satellites et l’architecture simple et transparente utilisés dans les réseaux GEO ne fonctionneront pas dans le cas des réseaux LEO.

Pour fournir une couverture continue à l’échelle de la planète, il faut installer une constellation constituée de plusieurs dizaines, voire centaines de satellites, et un réseau backhaul relayant les données via la constellation LEO pour atteindre les stations terrestres en temps réel. En attendant, on utilise un principe de stockage et retransmission.

Avec ce principe, le satellite joue le rôle d’une station de base LTE ou eNB, et gère la connexion avec les appareils IoT ainsi que le stockage des données dans le satellite, jusqu’à ce qu’il puisse être retransmis vers un autre satellite ou une station terrestre.

Pendant que les constellations NTN LEO 3GPP sont déployées, un appareil IoT subira des pertes de couverture, car il n’y aura pas toujours un satellite au-dessus, ainsi que des délais de bout-en-bout plus longs entre l’appareil et le Cloud. Grâce à leur consommation énergétique beaucoup plus faible, les réseaux LEO sont idéaux pour les cas d’utilisation où les données collectées ne nécessitent pas une attention immédiate de la part du système/Cloud.

À mesure que les constellations LEO déploient plus de satellites, les temps sans disponibilité du réseau ainsi que la latence de bout-en-bout diminueront et vous pourrez obtenir un service global continu à faible latence pour vos appareils IoT.

La technologie derrière la technologie : vers l’infini et au-delà !


Les réseaux NTN fourniront à l’avenir de nouvelles opportunités intéressantes pour les développeurs de produits IoT cellulaire, mais il est important qu’ils commencent par regarder les cas d’utilisation de leurs produits afin de déterminer si les réseaux NTN pourront être synonymes de valeur ajoutée, et si oui dans quelles conditions.

Pour certaines solutions de produit final, les réseaux NTN seront leur seule connexion, pour d’autres, ils constitueront une extension de la couverture cellulaire. L’utilisation de réseaux terrestres offrira la connexion la plus efficace dans les endroits bénéficiant d’une bonne couverture, mais les réseaux NTN fournissent dorénavant une alternative inestimable dans les zones où ce n’est pas le cas.

La plupart des opérateurs de réseaux terrestres utilisent déjà des réseaux NTN GEO et LEO afin d’offrir la meilleure solution la plus large, et Nordic Semiconductor garantit que les développeurs disposent de la plateforme technologique pour développer tous les cas d’utilisation possibles.

Nordic a développé une solution faible consommation et intégrée qui prendra en charge la connectivité terrestre et non terrestre, dans le module SiP nRF9151. Le nRF9151 est compatible avec les technologies NB-IoT, LTE-M et DECT NR+, auxquelles viendront s’ajouter les réseaux NTN dans une prochaine version du firmware. Le nRF9151 intègre un processeur d’application Arm Cortex-M33 64 MHz avec 1 Mo de Flash et 256 ko de RAM, un modem multimodal LTE-M/NB-IoT avec GNSS, la gestion de l’alimentation et un circuit frontal RF, le tout conçu par Nordic.

La conception de l’application est facilitée par le kit de développement nRF Connect SDK et les services nRF Cloud. Parallèlement, la société a également établi de nombreux partenariats avec un grand nombre de fournisseurs NTN, dont Iridium Communications, Skylo, Myriota, Omnispace et Gatehouse Satcom afin de proposer aux utilisateurs des options commerciales pour leurs déploiements NTN basés sur le module SiP nRF9151.

(*) Global Supply Chain IoT Market. Verified Market Research, 2024