"Quelle architecture de processeur embarqué dominera la prochaine décennie ?"[TRIBUNE de Ankur Tomar, FARNELL] S'intéressant à l'avenir des architectures de processeurs embarqués, Ankur Tomar, Solutions Marketing Manager chez Farnell, examine à travers une étude menée par le distributeur, complétée par d’autres analyses extérieures, les différentes options disponibles et met en évidence les avantages et les inconvénients qui pourraient faire la différence entre elles. Bien qu'il existe des technologies dominantes clairement établies sur le marché des architectures de puces embarquées, le secteur se développe à un rythme si rapide que de nombreuses opportunités sont attendues dans les années à venir, avec peut-être l’arrivée de nouveaux acteurs liés à des approches innovantes. La grande question demeure donc : quelle technologie dominera le marché au cours de la prochaine décennie ? Trois acteurs principaux mènent actuellement le peloton que sont les processeurs x86, Arm et RISC-V, trois architectures fondées sur un jeu d'instructions ISA (Instruction Set Simulator) mais qui présentent des approches très différentes. Alors que les processeurs x86 (fournis par Intel et AMD principalement) ont tendance à être utilisés dans les ordinateurs et les serveurs, les processeurs du marché fondés sur des cœurs Arm (Qualcomm et MediaTek, par exemple) forment désormais l'architecture préférentiellement utilisée dans les smartphones et les tablettes. Parallèlement, les architectures Arm se sont aussi largement imposées ces dernières années dans les systèmes embarqués et dominent clairement le marché. Enfin, plus récemment, l’architecture RISC-V, conçue en 2011, 26 ans après la production du premier processeur Arm, est venue bousculer ce paysage. En regardant de plus près les offres respectives, il est utile de comprendre que les processeurs RISC-V et Arm sont fondés sur des jeux d'instructions réduits (Risc) tandis que les processeurs x86 utilisent l'architecture Cisc (Complex Instruction Set Computer). Dans les systèmes embarqués, la faible consommation d'énergie des architectures Risc les rend plus adaptées aux applications à consommation limitée, en particulier les appareils alimentés par batterie. Standards ouverts ou fermés ? L’architecture x86 est propriétaire et propriété d'Intel, mais AMD a créé des processeurs compatibles et capables d'exécuter le même code. Arm s'appuie aussi sur un jeu d’instructions propriétaire, concédé sous licence aux entreprises qui développent un cœur de processeur pour mettre en oeuvre ce jeu d'instructions. Il s’agit ici d’une approche très différente car le jeu d’instructions utilisé est un standard ouvert, ce qui signifie que n'importe qui peut l'utiliser pour concevoir ses propres puces sans avoir à payer de frais de licence, sans oublier qu’il est également possible pour un développeur de le personnaliser. Dans ce contexte, selon une étude de 2019 réalisée par Semico Research, de plus en plus d'entreprises de toutes tailles conçoivent d’ores et déjà (ou envisagent de le faire dans les années qui viennent) des solutions RISC-V, à tel point que le marché devrait consommer 62,4 milliards de cœurs RISC-V d'ici à 2025 (dont le secteur industriel représente à lui seul 16,7 milliards d'unités). Ce qui représente environ le double du nombre de cœurs Arm livrés en 2022 ! Vers des jeux d’instructions Risc modulaires Cependant, compte tenu des forces relatives des différentes architectures logicielles embarquées, 51% des personnes interrogées par Farnell dans son étude ont déclaré que c’est Arm qui dominera le marché au cours de la prochaine décennie. A comparer aux 23% qui pensent que ce sera le RISC-V et 13% qui ont opté pour x86. Parmi les 13% restants, une fraction d’entre eux pensent qu'il y aura un nouvel entrant dans les dix prochaines années qui viendra dominer le marché et prendre le relais de toutes les architectures existantes... On notera sur ces perspectives d’avenir que, selon la société californienne Grand View Research, les ingénieurs estiment toutefois que les coûts potentiellement inférieurs et la plus grande flexibilité de l'architecture RISC-V open source ne la rendront pas plus attrayante que les architectures fondées sur des jeux d’instructions propriétaires. Car, selon l’analyse de Farnell auprès de sa communauté, Arm a gagné la confiance de nombreux ingénieurs et sociétés impliquées dans le domaine de l’embarqué qui ont investi dans le développement de leur expertise sur cette architecture, en écrivant du code réutilisable et en achetant un certain nombre d’outils de développement. Une confiance dans Arm qui s’impose malgré une certaine incertitude quant à l'avenir immédiat de la société, y compris une éventuelle introduction en bourse en 2023. Dans l'enquête de Farnell, on notera aussi que, si moins d'un quart des ingénieurs et développeurs approchés par la distributeur pensent que le RISC-V sera l'architecture de processeur embarquée dominante dans 10 ans, le pourcentage est encore moindre pour le x86. Des arguments objectifs montrent en effet que ces processeurs sont moins adaptés aux applications embarquées alors que la révolution de l'IoT entraîne une énorme demande en produits embarqués à très faible consommation d'énergie et fonctionnant sur batterie. Néanmoins, la prudence s'impose, et l'architecture x86 devrait encore être utilisée dans un nombre important de systèmes embarqués à moyen terme du fait de l’énorme base de connaissance existante autour de cette architecture. |