"Infrastructures de bornes de recharge électrique : quand l'IoT guide les évolutions de la filière"[TRIBUNE de Bernardo Cabrera, OBJENIOUS] Face aux enjeux écologiques, les véhicules électriques et les bornes de recharges sont de plus en plus plébiscités. Bien que les infrastructures de recharge se développent pour soutenir l’émergence des véhicules électriques, les usagers sont régulièrement confrontés à des difficultés d’accessibilité. Dans ce cadre, comment les réseaux cellulaires basse consommation comme le LTE-M et le NB-IoT peuvent-ils contribuer à construire la mobilité de demain ? Réponse de Bernardo Cabrera, directeur de la Business Unit Objenious de l’opérateur Bouygues Telecom. Le marché mondial des voitures électriques et des bornes de recharges grandit, tant du point de vue des ventes que de celui du développement technologique. Les voitures électriques devraient représenter 90% de part de marché à l’horizon 2040, une tendance justifiée notamment par les nouvelles normes européennes avec l’interdiction à la vente des véhicules thermiques neufs d’ici 2035. Toutefois, par comparaison avec les autres pays européens, la France subit un retard de déploiement des bornes de recharge. Fin 2021, on comptait en moyenne 44 bornes de recharge pour 100 000 habitants en France, contre 699 pour 100 000 habitants aux Pays Bas. La France n’avait pas encore atteint son objectif de déployer 100 000 bornes de recharge sur son territoire à la fin 2021. Actuellement il y en a environ 58 000, dont 10% de bornes de recharge rapide. Pourquoi un tel retard ? L’une des questions qui peut susciter des inquiétudes des particuliers est l’accessibilité financière des charges rapides face à la crise énergétique, la hausse des prix de l’électricité et l’installation onéreuse et complexe des bornes de recharge. Cela engendra une charge supplémentaire sur le réseau électrique d’une maison, ou nécessite le vote de l’assemblée générale de copropriété pour que le parking soit pré-équipé d’une borne. Mais les particuliers ne sont pas les seuls concernés par ces questions de coûts. Les collectivités sont sujettes à des cadres budgétaires stricts et des pressions financières conséquentes, ce qui freine la multiplication des infrastructures de recharge, très coûteuses, qui pourtant sont plébiscitées et nécessaires. Les « électromobilistes » sont 20% à ne pas disposer d’une place de parking à domicile pour recharger leur véhicule. Ils doivent donc jongler entre les bornes hors service ou occupées par des véhicules thermiques, avec parfois des facturations fluctuantes d’un acteur à un autre. Le développement des infrastructures de recharge au sein des villes et des entreprises est donc indispensable pour optimiser le réseau et permettre l’essor de la mobilité électrique. L’atout de l’IoT sur le marché de la mobilité L’Internet des objets (IoT) a le potentiel pour transformer le marché de la mobilité en modifiant profondément la façon de rassembler les données, mais aussi en permettant de se connecter avec les utilisateurs et d’automatiser les processus. L’IoT consiste en la mise en réseau d’objets physiques qui, via l’utilisation de capteurs embarqués, d’actionneurs et d’autres dispositifs, vont collecter et transmettre des informations sur l’activité du réseau en temps réel. Ainsi, véhicules et infrastructures deviennent communicants, permettant d’optimiser la répartition des charges mais également d’offrir de nouveaux services aux utilisateurs, tant pour les particuliers que pour la gestion des flottes de véhicules électriques des entreprises. Qovoltis propose, par exemple, de faire communiquer les bornes chez les particuliers avec une recharge automatique pour profiter des meilleurs tarifs entre les heures creuses et pleines. Autre illustration, grâce à la solution IoT de Chargemap, l’usager peut localiser aisément les bornes de recharge à proximité et les filtrer selon ses besoins. C’est dans ces usages que l’IoT prend alors toute sa valeur. Pour ce faire, les objets connectés communiquent grâce aux réseaux cellulaires sans fil. Le LTE-M et le NB-IoT sont des réseaux cellulaires spécialement destinés aux objets connectés, et idéaux pour les usages de la mobilité. Si la 4G ou la 5G permettent d’envoyer des flux de données importants en haut débit, les avantages du LTE-M et du NB-IoT sont ailleurs. Technologies dites LPWA ou Low Power Wide Area, le LTE-M et le NB-IoT disposent d’une couverture étendue du signal radio leur permettant de connecter les objets en mobilité sur une longue portée, même s’ils se trouvent dans des zones difficiles d’accès, tels que des parkings souterrains. La connexion des différents types de véhicules et d’infrastructures est alors rendue possible, quel que soit l’endroit où ils se trouvent, grâce à l’itinérance des données (roaming). Ces réseaux ont aussi l’avantage d’être très peu énergivores et de favoriser la sobriété énergétique avec une autonomie de batterie pouvant aller jusqu’à 10 ans, un élément indispensable pour accompagner une mobilité plus durable. Le Vehicle-to-Grid (V2G), une solution pour la mobilité de demain Pour aller plus loin, énergéticiens et constructeurs automobiles ont prouvé qu’il est techniquement possible et économiquement rentable d’inverser, quand nécessaire, le rapport entre le réseau et les batteries des véhicules électriques. En effet, les véhicules électriques étant utilisés une heure par jour en moyenne, ils sont a priori disponibles le reste du temps pour apporter des services au réseau électrique. Cette technique capable de transformer les voitures en unité de stockage d’énergie et les bornes de recharge en convertisseur d’énergie s'appelle le Vehicle-to-Grid (V2G). A l’horizon 2025, selon Dreev, le V2G sera particulièrement utile dans les situations de tension du réseau électrique et/ou en cas d’intempéries. Cette technologie est d’autant plus intéressante que les énergies renouvelables, qui représenteront la majorité du mix énergétique de demain, sont des sources intermittentes. Le stockage et le recours à l’énergie au sein des véhicules permettra de solutionner les phases creuses et améliorer la prédictibilité de l’énergie à disposition. En s’appuyant notamment sur les connectivités LTE-M et NB-IoT, le V2G pourra alimenter tout un foyer en cas de coupure d’électricité. Le développement de la mobilité verte connaît un coup d’accélérateur. Les freins et blocages se lèvent progressivement et de nouvelles innovations se dessinent. Les infrastructures évoluent pour une gestion plus optimale. Les aspects d'énergie pour ces nouveaux moyens de locomotion verts sont repensés afin de répondre aux exigences écologiques de notre époque. L’IoT joue ainsi un rôle essentiel dans cette équation du futur, pour la construction de la ville intelligente de demain. |