Automobile : les fabricants de semi-conducteurs montent en puissance autour de la conduite automatisée et de la voiture connectée

[EDITION ABONNES] Les fournisseurs majeurs de semi-conducteurs pour l’automobile utilisent de plus en plus souvent le salon CES de Las Vegas pour dévoiler de nouveaux processeurs. L’édition 2022 qui s’est tenue début janvier n’a pas failli à la règle et des sociétés comme Ambarella, Mobileye, Nvidia, NXP et Qualcomm ont profité de l’événement pour faire assaut d’annonces. En voici les plus notables :

- Mobileye, société propriété d’Intel depuis 2017, a dévoilé sous le nom d’EyeQ Ultra la plus puissante de ses puces-systèmes (SoC) conçues spécifiquement pour la conduite automobile automatisée. Le circuit, dont les premiers échantillons sont attendus fin 2023 pour une production de qualité automobile en 2025, offre les performances de dix puces EyeQ5 dans un seul boîtier.

Selon Mobileye, le processeur EyeQ Ultra, gravé dans une technologue 5 nm, sera en mesure de gérer toutes les exigences de la conduite autonome de niveau 4 sans la consommation et les coûts liés à l’intégration de plusieurs SoC ensemble. D’un point de vue architectural, la puce devrait intégrer quatre classes d'accélérateurs propriétaires, chacun conçu pour une tâche spécifique. Ces accélérateurs seront associés à des cœurs de processeur généralistes (12 cœurs RISC-V en l’occurrence), des processeurs d’image (ISP) et des unités de traitement graphiques (GPU) au sein d’une solution capable de traiter les entrées de deux sous-systèmes de détection, une caméra unique d’un côté et une combinaison d’un radar et d’un lidar de l’autre.

La puce EyeQ Ultra fera aussi office de calculateur central du véhicule tout en gérant l’affichage de cartes haute définition et en exécutant le logiciel de planification d’itinéraire de l’automobile. Selon Mobileye, l'EyeQ Ultra, en développant une puissance de calcul de seulement 176 Tops, sera beaucoup plus efficace que les autres solutions pour véhicules autonomes et offrira les performances nécessaires au coût requis pour les modèles grand public.

 - Spécialiste des circuits intégrés de traitement vidéo et de vision artificielle à haute résolution et basse consommation, la société de semi-conducteurs américaine Ambarella a, quant à elle, annoncé sous la référence CV3 une nouvelle famille de contrôleurs de domaine CVflow dopés à l’IA et présentés comme aptes à exécuter sur une seule puce l’ensemble des fonctions d’assistance évoluée à la conduite (ADAS) et de conduite automatisée (AD). Selon son concepteur, cette famille offre les performances de traitement IA embarqué les plus élevées de l'industrie automobile, en étant capable d’effectuer jusqu’à 500 téraopérations par seconde (Tops), une valeur 42 fois plus élevée que la génération précédente d'Ambarella.

Equipé d’un maximum de 16 cœurs de processeur Arm Cortex-A78AE, le CV3 offre également jusqu'à 30 fois plus de performances CPU que la génération précédente pour prendre en charge les applications logicielles de véhicules autonomes (AV). Cette famille de processeurs permet un traitement centralisé sur une seule puce de la perception multicapteur (vision haute résolution, radar, ultrasons et lidar), de la fusion de données multimodales et de la planification de trajectoire pour la conduite automatisée.

Selon Ambarella, les puces CV3, dont l’échantillonnage est prévue d’ici à la mi-2022, ouvrent la voie des systèmes ADAS et AD de niveau L2+ à 4 robustes dotés de fonctions pointues de perception de l'environnement dans des conditions d'éclairage, de météo et de conduite difficiles, tant pour la vision du conducteur que pour la perception de la machine.

- Sur le CES, NXP, pour sa part,  a annoncé la mise en production de volume du S32R45, présenté comme le premier processeur pour radars automobiles fabriqué en technologie 16 nm de l’industrie (lire notre article ici). Vaisseau amiral de la famille de puces radar de 6e génération de la firme batave et bâti sur des cœurs Arm Cortex-A53 et Cortex-M7, il est censé répondre aux applications de conduite automatisée de niveau L2+ à 5, là où plus d’une dizaine d’imageurs radar peuvent être requis.

NXP en a profité pour ajouter à sa gamme la référence S32R41 dont l’objectif est d’apporter les bienfaits des imageurs radar 4D à un plus grand nombre de véhicules, et notamment les modèles équipés d’une assistance à la conduite L2+ qui pourraient représenter la moitié de la production mondiale d’ici à 2030. Cette puce peut gérer jusqu’à six radars pour une vision à 360° autour du véhicule. Les processeurs S32R45 et S32R41 peuvent s’interfacer avec les circuits d’émission-réception radar à 77GHz TEF82xx de NXP.

- La société Nvidia a préféré mettre l’accent sur la plate-forme « ouverte » Drive Hyperion bâtie sur une architecture de détection et de traitement haute performance censée répondre aux exigences de sécurité d'un véhicule entièrement autonome. La plate-forme s’appuie sur des puces-systèmes Nvidia Drive Orin redondantes et s’adresse aux véhicules définis par logiciel pouvant être constamment améliorés et mis à jour, et décrits comme des vecteurs de nouveaux modèles commerciaux axés logiciels et services pour les constructeurs automobiles.

Pour rappel, le SoC Orin, qui développe une puissance de calcul de 254 Tops, intègre 12 cœurs 64 bits Arm Cortex-A78AE à architecture Armv8.2 et une unité graphique (GPU) à microarchitecture Ampere dotée de 2 048 cœurs Nvidia Cuda et de 64 cœurs Tensor. On y trouve aussi des accélérateurs d’apprentissage profond et de vision artificielle de nouvelle génération (2x NVDLA v2.0 et 1x PVA 2.0), ainsi que des moteurs d’encodage et de décodage vidéo. Pour mémoire, le cœur Cortex-A78AE (AE pour Automotive-Enhanced), dévoilé par Arm en 2020, dispose de caractéristiques permettant d’atteindre les niveaux les plus élevés de sûreté de fonctionnement imposés par les normes ISO 26262 (automobile) et CEI 6158 (industriel), soit Asil-D et SIL3.

Au-delà, la plate-forme Drive Hyperion de dernière génération comprend 12 caméras surround, 12 détecteurs à ultrasons, neuf radars, trois caméras de détection pour l’intérieur de l’habitacle et un lidar orienté vers l'avant. Selon Nvidia, elle est conçue pour être fonctionnellement sûre, de sorte qu'en cas de panne d'un calculateur ou d'un capteur, une solution de repli permette au véhicule autonome de conduire ses passagers vers un endroit sans danger.

Selon la société américaine, l’architecture Drive Hyperion a été adoptée par plusieurs centaines de constructeurs automobiles, de fabricants de camions, de sociétés de robotaxis et d’équipementiers, parmi lesquels Nvidia cite Desay, Flex, Quanta, Valeo et Flex.

- Qualcomm, enfin, a mis en valeur sa solution baptisée Snapdragon Digital Chassis, composée d'un ensemble de plates-formes ouvertes et échelonnables, connectées au cloud, bâties sur une architecture unifiée et pouvant être mises à jour tout au long du cycle de vie du véhicule. Selon la société américaine, les constructeurs automobiles ont la possibilité d'intégrer l'une ou l'ensemble de ces plates-formes dans leur gamme de véhicules pour offrir aux conducteurs et à leurs passagers des expériences personnalisables avec des fonctionnalités mises à niveau de façon continue grâce à la connexion au cloud.

La solution Snapdragon Chassis est notamment constituée des plates-formes Snapdragon Ride, Snapdragon Cockpit et Snapdragon Auto Connectivity, complétées par les services Snapdragon Car-to-Cloud. L’offre Snapdragon Ride Platform est censée répondre aux besoins des systèmes ADAS et de conduite autonome de niveau L2+/L3 ; elle se décline autour de puces-systèmes (SoC) et d’accélérateurs spécifiques pour la vision, le traitement centralisé et les algorithmes d’intelligence artificielle.

De son côté, la plate-forme Snapdragon Cockpit cible les tableaux de bord automobiles évolués dopés à l’intelligence artificielle (IA). Caractérisée par une architecture modulaire, elle permet aux constructeurs automobiles de proposer une variété d’expériences IA intuitives à leurs clients, de l’assistance virtuelle à bord aux interactions naturelles entre le véhicule et le conducteur, en passant par divers cas d’usage de sécurité contextuelle (surveillance à 360° de l’environnement extérieur, surveillance de l’attention du conducteur, surveillance de l’intérieur de l’habitacle, etc.).

Enfin la plate-forme Auto Connectivity fournit les briques nécessaires à la connexion sécurisée des véhicules au cloud, entre eux et à leur environnement (LTE, 5G, C-V2X, Wi-Fi, positionnement par satellites, etc.).

Lors du CES, plusieurs constructeurs et équipementiers automobiles ont apporté officiellement leur soutien à la solution Snapdragon Digital Chassis à l’instar de BMW, GM, Hyundai, Renault ou Volvo. Ce dernier a ainsi confirmé la commercialisation courant 2022 de véhicules électriques équipés de la plate-forme Snapdragon Cockpit et de l’environnement Android Automotive OS. Le groupe Renault, quant à lui, s’est engagé dans une collaboration étroite avec Qualcomm afin d’adapter la solution Snapdragon Digital Chassis aux futurs véhicules de la marque française.